15/01/2002

LE MOT DE L'AMBASSADEUR
Dix ans déjà !

S. E. M. Bozidar GagroLe 15 janvier 2002 marquera cette année le dixième anniversaire de la reconnaissance internationale de la Croatie. C'est aussi l'occasion de tenter un bilan de la décennie passée.

Tout d'abord le témoignage immédiat du protagoniste : le matin du 16 janvier 1992, au lendemain de la décision du Conseil des ministres de la CEE de reconnaître la Croatie, s'est tenue une réunion mémorable du gouvernement croate à laquelle j'assistais en tant que vice-ministre des Affaires étrangères. J'y présentai un compte-rendu inhabituel : à cette heure-là, rapportais-je, trente-deux pays avaient déjà reconnu notre jeune État. Et je ne cache pas que c'est avec une certaine émotion que, les jours suivants, mes collègues et moi-même énumérions les noms des pays qui venaient en allonger la liste, jusqu'à ce que, finalement, le 22 mai 1992, la Croatie ne devienne le 177e membre des Nations unies.

Le président italien Cossiga confia alors sa fascination pour le spectacle historique que représentait à ses yeux la disparition d'un État et la naissance d'un autre.

Le premier chef d'État étranger à se rendre à Zagreb aussitôt après la reconnaissance internationale fut, dès le 17 janvier 1992, le président italien Francesco Cossiga. C'est en sa présence et en présence du président croate Franjo Tudjman que je signai avec le sous-secrétaire des Affaires étrangères italien, Claudio Vitalone, l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. A cette occasion, M. Cossiga donna une explication tout à fait étonnante de son empressement à visiter la Croatie. Hormis les considérations strictement politiques, le président italien confia qu'en tant que juriste, spécialiste du droit international, il se trouvait fasciné par le spectacle historique que représentait à ses yeux la disparition d'un État et la naissance d'un autre, faisant évidemment allusion à la renaissance de la jeune Croatie.

Bien que la reconnaissance internationale de celle-ci ne fût pas son acte fondateur, il n'en demeure pas moins que cet événement majeur consolida de manière décisive les acquis précédents. A commencer par les résultats du référendum du 19 mai 1991, où les citoyens croates se prononcèrent à 94 % en faveur de l'indépendance du pays (si la Serbie continuait de s'entêter à rejeter le modèle d'une Yougoslavie confédérale), puis la déclaration de souveraineté du 25 juin 1991 et enfin la décision du Sabor (le parlement croate) du 8 octobre de la même année par laquelle étaient finalement rompus tous les liens avec la fédération yougoslave, "engagée dans un processus de dissolution", pour reprendre les termes de la Commission d'arbitrage présidée par Robert Badinter.

Pour autant, seule la reconnaissance internationale était véritablement en mesure de donner tout son sens, d'un point de vue à la fois politique, juridique et - sur le long terme - historique, à ce qui se déroulait sous nos yeux sur le plan intérieur. On ne saurait, bien sûr, oublier la guerre, près d'un tiers de la Croatie étant sous occupation serbe au moment de sa reconnaissance internationale. Celle-ci ne pouvait donc qu'ébranler la détermination des agresseurs et les dissuader de lancer de nouvelles attaques.

Un tiers de la Croatie étant sous occupation serbe, sa reconnaissance internationale ne pouvait donc que dissuader les agresseurs de lancer de nouvelles attaques.

Aujourd'hui, dix ans plus tard, la Croatie est un véritable État. Elle s'est assuré sa place au sein des organisations internationales, a développé son réseau diplomatique et est parvenu à restaurer, seule, son intégrité territoriale, désormais incontestée (à cet égard, les deux ou trois tronçons frontaliers qui restent encore à fixer avec précision paraissent bien anodins). Elle a son armée, sa monnaie, mais rencontre aussi ses propres difficultés. Ce sont celles d'un État normal et concernent des questions familières à nombre d'entre eux : taux de croissance, chômage, pouvoir d'achat, inégalités sociales, réforme de l'État, etc.

Toutefois la Croatie présente une particularité par rapport à d'autres pays dits "en transition". Hormis les problèmes habituels auxquels la plupart d'entre eux se trouvent confrontés dans les domaines politique, social ou économique, elle a en outre dû, pour sa part, affronter une situation de guerre et en gérer toutes les séquelles (dizaines de milliers de morts et de blessés, centaines de milliers de réfugiés, destructions massives). De surcroît, son image auprès de l'opinion publique internationale a pâti des ambiguïtés que nourrissait sa politique étrangère régionale, surtout à l'égard de la Bosnie-Herzégovine, sous la présidence de Franjo Tudjman.

Dix ans plus tard, la Croatie est un véritable État qui a sa place au sein des organisations internationales. Son intégrité territoriale est restaurée ; elle a son armée, sa monnaie, et rencontre aussi les difficultés qui sont celles d'un État normal : taux de croissance, chômage, pouvoir d'achat, etc.

Néanmoins, après une première épreuve réussie que constitua le sursaut démocratique des élections parlementaires et présidentielles de janvier et février 2000, rapidement suivies de la mise en œuvre d'une politique transparente de bon voisinage et de coopération, la Croatie s'est finalement vu ouvrir toutes les portes, comme l'a notamment montré le Sommet de Zagreb. Elle n'en espérait pas de cadeaux pour autant, mais simplement un franc soutien dans son rapprochement programmé avec l'Union européenne et la perspective claire de voir ses efforts sanctionnés le moment venu. Et les promesses attendues furent effectivement données. C'est donc avec un certain enthousiasme que la Croatie a depuis lors emboîté le pas à marche forcée aux autres pays candidats, s'attelant avec détermination à combler au plus vite le retard accumulé, dû à toutes les raisons précédemment évoquées.

En l'espace d'une décennie, la Croatie a successivement vécu des expériences particulièrement difficiles et variées : abandon du système communiste et éclatement d'un État multinational en faillite, état de guerre et souffrances qui l'ont accompagné, accession à l'indépendance et mise sur pied d'un État, restauration de son intégrité territoriale et retour à la paix, et finalement consolidation de l'État de droit et démocratisation de la société. Aujourd'hui, elle se sent donc plus que jamais en mesure de poursuivre dans cette direction et, en mettant du cœur à l'ouvrage et en offrant une contribution constructive, de (re)prendre pleinement la place qui est la sienne au sein du concert des nations européennes.

Bozidar GAGRO
Ambassadeur de Croatie en France

Articles précédents :
 L'euro, côté pays tiers : le cas croate (07/01/2002)
 Jacques Chirac à Zagreb (21/12/2001)
 Solidarité et démocratie contre terrorisme (23/11/2001)

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