07/01/2002
LE
MOT DE L'AMBASSADEUR
L'euro, côté
pays tiers : le cas croate
En
ce début d'année 2002, les pays européens dits en transition, candidats
officiels ou potentiels à l'adhésion à l'Union européenne, bref, les pays européens
tiers, tous sont concernés par l'arrivée de l'euro. L'événement que viennent de
connaître douze pays des Quinze est, on ne soulignera jamais assez, bel et bien
un des actes majeurs qui, depuis un demi siècle, jalonnèrent le long processus
de la construction européenne. En gravissant ce nouvel échelon, l'Union franchit,
d'une part, une étape supplémentaire sur la voie de son unification politique,
de l'autre, elle se dote d'un instrument on ne peut plus concret qui va l'aider
à poursuivre sur sa lancée et va approfondir la nature des liens qui unissent
les États membres.
Mais les conséquences de la mise en circulation de l'euro dépassent largement
les frontières de l' "Euroland". Avant tout cela concerne les pays disposant
d'importantes réserves de devises européennes, lesquels sont évidemment touchés
par ricochet. C'est notamment le cas de la Croatie où la population liquide ses
"bas de laine" en deutschemarks au profit de la monnaie européenne, ce qui a d'ores
et déjà provoqué une certaine fébrilité "europtimiste" auprès des Croates. Cela
a en premier lieu profité aux banques qui ont vu s'envoler leurs dépôts en devises
européennes : on parle déjà d'un montant équivalent à 1,5 milliard d'euros.
Une fois les premières réticences surmontées et compte tenu de l'assainissement
du climat économique croate, il y a fort à parier que la majeure partie des épargnants
confieront désormais aux établissements financiers la plus grande partie de leurs
économies, favorisant ainsi la relance des investissements et le soutien de la
croissance. Les conséquences de ce mouvement de fond sont bénéfiques à tous égards
: la monnaie nationale, la kuna, se trouve déjà dopée par l'entrée en lice de
l'euro, le marché parallèle sera sans doute moins lucratif et la transparence
économique n'en sera que plus grande.
Mais la vraie question est ailleurs : à quelle échéance et sous quelles conditions
la Croatie sera-t-elle dans les années qui viennent enfin prête à assumer les
responsabilités qui découlent de l'adoption de la monnaie européenne ? Responsabilités
internes aussi bien qu'externes. Internes, à l'égard des développements économiques
et sociaux qu'attend le pays ; externes, vu les critères de convergence économique
que les instances européennes imposent à chaque nouveau candidat.
La monnaie
nationale, la kuna, se trouve déjà dopée par l'entrée
en lice de l'euro
|
Mais vouloir
n'est pas pouvoir. N'entend-on pas à ce propos déjà çà et là quelques voix objecter
qu'en dépit de l'élargissement de l'Union qui se profile à une échéance relativement
proche - et mis à part les trois pays membres ayant pour l'heure décliné l'adoption
de la monnaie unique -, les nouveaux pays membres ne pourraient, estiment-ils,
y songer avant l'horizon 2015-2020 ! D'autres, au contraire, voudraient brûler
les étapes et aller un peu trop vite en besogne, préconisant l'introduction mécanique
de l'euro en Croatie en vue de faciliter, selon eux, le rapprochement avec l'Union
européenne. Ni les eurosceptiques ni les euroidéalistes ne sont cependant parvenus
à détourner le gouvernement pas plus que la Banque centrale de leur objectif :
celui de mener à bon rythme la Croatie à l'intégration européenne, en prenant,
en temps utile, toutes les mesures pratiques et pédagogiques visant à le faire
entrer dans les mœurs, avant que dans les porte-monnaie, en adoptant par exemple
le double affichage systématique des prix en kunas et en euros. Pour un pays à
forte vocation touristique, cela paraît être le bon sens même.
Il faut donc donner du temps au temps. Avec la ratification de l'Accord
de stabilisation et d'association conclu avec les Quinze, la Croatie s'est
lancée dans un vaste programme d'harmonisation de sa législation et de tous les
instruments qui lui sont nécessaires pour entamer en bonne et due forme la procédure
d'admission à l'Union européenne et mettre toutes les chances de son côté dès
2006. Dans les nombreux débats que ne manqueront pas de susciter dans la société
croate le rapprochement programmé de Zagreb et de Bruxelles, nul doute que l'euro
figurera en bonne place !
Bozidar
GAGRO
Ambassadeur de Croatie en France
Précédents
articles :
Jacques
Chirac à Zagreb (21/12/2001)
Solidarité
et démocratie contre terrorisme (23/11/2001)
|