13-14/06/2003

CHANTS MÉDIÉVAUX
La Vision de Tondale
L'ensemble vocal Dialogos donne deux concerts à Paris au Musée national du Moyen-Âge

Préméditation à la Divine Comédie de Dante, La Vision de Tondale, texte du XIIe siècle, met en relief un répertoire composé de polyphonies glagolitiques rudes, pleines d'incroyables dissonances entourées d'harmonies plus suaves du sud croate. Le temps de deux représentations mises en scène par Sanda Hrzic, l'ensemble vocal féminin Dialogos, dirigé par Katarina Livljanic, nous invite à partir à la découverte des chantres dalmates du Moyen Âge.

DIALOGOS

Ensemble de musique médiévale fondé par Katarina Livljanic en 1997, Dialogos est composé de deux scholae : une à voix de femmes et une à voix d'hommes. L'axe artistique de l' ensemble est d'aborder des répertoires médiévaux les plus archaïques d'une manière très actuelle et expressive, où la recherche musicologique approfondie va de paire avec une grande force scénique. La créativité dans le choix et la préparation des programmes, ainsi que la refléxion qui accompagne chaque nouveau projet, ont vite suscité un grand intérêt du public et les acclamations des critiques qui considèrent Dialogos comme un des jeunes ensembles européens les plus intéressants dans le domaine de la musique médiévale.
Dialogos - Ensemble à voix de femmes Dialogos s'est produit dans de nombreux pays européens (les festivals les plus importants en France, Allemagne, Hollande, Suisse, Suède, Norvège, Croatie, Belgique), au Maroc et aux Etats Unis. Leur CDs "Terra Adriatica" et "Lombards & Barbares" ont été couronnés des meilleures distinctions de critique française : Diapason d'or, Choc du Monde de la Musique, 10 du Répertoire. Les projets actuels de l'ensemble se tournent vers les répertoires les plus anciens du Moyen Age européen (IX-XIIe s.), le plain chant de l'Italie Méridionale et le théâtre liturgique. Parmi les programmes récents il faut noter la "Vision de Tondale" du répertoire glagolitique croate, mise en espace par Sanda Herzic et avec le conseil artistique de Yoshi Oida, un des acteurs principaux de Peter Brook. En 2003, l'ensemble réalisera une coproduction avec l'ensemble Sequentia autour du plain chant carolingien, dont la préparation a été faite à Harvard University aux Etats Unis.

Vendredi 13 et samedi 14 juin 2003 à 20 h 30
Musée national du Moyen Âge
6, place Paul-Painlévé, Paris 5e
(Métro Cluny-La Sorbonne)
Réservations : 01 53 73 78 16 - (9h15 - 17h30)
Fnac et sur 3615 Fnac
Plein tarif : 16 euros ; tarif réduit : 13 euros.

 

«Si ceux qui viennent au monde savaient ce qui les attend...
Mais, un fou ne craint rien, car il est fou.».
(La Vision de Tondale)


Le récit

Histoire d'un homme inconscient dont l’âme quitte le corps, La Vision de Tondale, fut l'un des textes visionnaires les plus populaires du XIIe siècle, comme une préméditation pour la Divina commedia de Dante. Dans cet étrange récit, l'âme du chevalier Tondale visite un espace inconnu, guidée par son ange, se perd sur des chemins, traverse des ponts dans l’obscurité, observe et subit les tourments des âmes, invoque l’ange et pleure en voulant mourir, sans pouvoir mourir… Au moment où Tondale se sent envahi par une bonté et une lumière inconnues, il s’incline devant un siège d'or, mystérieusement vide. Ce voyage initiatique au-delà de la mort n’aura duré qu’un « clin de nuit ». A regret, son « âme éclairée » rejoint son « corps sombre ». En revenant, transfiguré, il entend les voix de ceux qui l’ont veillé pendant son parcours intérieur.

La Vision de Tondale, composée au XIIe siècle en latin par un moine irlandais nommé Marcus, fut transmise et traduite dans de nombreuses langues d'Europe médiévale. Deux versions croates de la Vision ont survécu. Le recueil « Vartal », dédié à une communauté bénédictine de femmes sur la côte dalmate, en est une copie très fidèle du XVIe siècle.

L’interprétation

Musicalement, ce projet est un travail de reconstruction : la connaissance des manuscrits grégoriens, bénéventains et glagolitiques en Dalmatie médiévale, ainsi que l'étude du répertoire glagolitique dans la tradition orale, ont guidé les recherches de Katarina Livljanic dans la réalisation musicale de ce programme. Le texte de la Vision ne conserve pas de musique, mais il se réfère à des textes liturgiques chantés. Son travail fut de trouver dans les sources musicales proches (dalmates et italiennes méridionales) des chants qui correspondaient aux citations bibliques dans le texte original.

Le programme est donc conçu sur deux niveaux : les sections de la Vision de Tondale qui racontent le voyage de l’âme dans le monde invisible alternent avec les chants glagolitiques et grégoriens, insérés parmi les épisodes de la Vision. Ces chants, sortis de leur contexte liturgique, reçoivent ici un nouveau rôle. Ils deviennent des commentaires du récit dramatique. En conséquence, leur interprétation, expression et rhétorique s’adaptent à cette nouvelle situation : au lieu d’imposer une vision imaginaire de leur sonorité «authentique» dans une situation liturgique, leur texte et leur musicalité sont mis en symbiose avec les nuances dramatiques du voyage de Tondale.

KATARINA LIVLJANIC

Katarina Livljanic Chanteuse et musicologue, Katarina Livljanic est une des principales spécialistes internationales de l'interprétation du plain chant et de la musique liturgique du haut Moyen Age. Formée auprès de Marie-Noël Colette et Brigitte Lesne, elle est docteur en musicologie et Maître de conférences en musique médiévale à la Sorbonne - Paris IV. Avec l'ensemble Dialogos qu'elle a fondé et dans lequel elle chante, elle travaille sur les projets du chant liturgique médiéval de l'aire culturelle méditéranéenne, fait des enregistrements discographiques et se produit en concerts en Europe et aux Etats Unis. Comme chanteuse elle est présente aussi dans de nombreux festivals internationaux avec les ensembles Sequentia et Alla Francesca. Parmi ses activités autour de l'interprétation du chant grégorien il faut noter l'enseignement à l'Université de Limerick en Irlande et à Harvard University aux Etats-Unis où elle dirigea une schola grégorienne. En collaboration avec Benjamin Bagby, directeur de l'ensemble Sequentia, Katarina Livljanic est régulièrement invitée dans les universités les plus renommées aux Etats-Unis et au Canada où elle forme une nouvelle génération d'interprètes du plain chant médiéval. Elle publie des articles sur la problématique du chant médiéval dans les revues spécialisées du monde entier. En 2002 elle est conseillère artistique au Festival de musique ancienne d'Utrecht.

Ainsi, le bouleversement de Tondale au moment de son départ vers l’autre monde est accompagné du traît grégorien Qui habitat in adiutorio Altissimi dont certaines sections se décomposent, dans une sorte de polyphonie primitive, comme des châteaux de cartes qui s’effondrent devant l’horreur de l’inconnu. Abandoné dans les ténèbres, Tondale chante un Credo, envahi par le balancement du texte et des mélodies dissonantes, presque obsedantes. Sa descente dans les abîmes est suivie d’une Lamentation du Vendredi Saint, archaïque et très surprenante, qui survit encore dans un seul village de l’île dalmate de Hvar.

Au moment où la nuit se transforme en lumière et l’âme se retrouve devant le siège vide, l'ensemble entonne un extrait du livre de l’Apocalypse correspondant à cette partie de la Vision. Un instant plus tard, le retour de l’âme dans le corps est accompagné du Salve Regina, cette méditation sur la maternité. Et enfin, l’histoire s’achève par les Acclamations dalmates, comme par une dédicace finale.

On y entend des mélodies istriennes, rudes dans leur polyphonie, pleine d'incroyables dissonances (la messe traditionnelle du village Mune intervient à des moments différents de la Vision comme un fil d’Ariane, en soulignant la densité dramatique du récit); des lectures très proches de tons grégoriens (Lecture de l’Apocalypse de Poljica); et enfin des polyphonies plus «suaves» du sud croate (Gospodin, pomiluj). Ces chants glagolitiques alternent avec les pièces latines apparentées (Venite, benedicti, Qui habitat in adjutorio Altissimi, Salve regina). Ce choix avisé souligne ces deux facteurs de vie liturgique « bilingue » en Dalmatie médiévale.

Le «bilinguisme» liturgique croate

Dans cette recherche il a fallu revivre les couches les plus archaïques de ce qu'on appelle le chant glagolitique. Ce répertoire liturgique, chanté curieusement en langue vernaculaire locale (slavon de rédaction croate), tout en appartenant au rite romain, fut conservé dans les livres en alphabet glagolitique, propre à la Croatie médiévale. Les sources écrites mentionnent l'existence de ce chant en Dalmatie dès le XIe siècle. Or, la particularité du répertoire glagolitique est sa survie parallèle dans la transmission orale jusqu’à aujourd’hui, dans quelques localités de la côte croate, sur les îles et en Istrie.

La frontière entre les influences latines et les racines slaves ont ici tout particulièrement retenu l'intérêt de Katarina Livljanic. La côte croate est très longue, bordée de nombreuses îles. Dans ces petits mondes isolés, les gens parlent des dialectes différents. La faible distance qui les sépare leur permet de crier d'une île à l'autre. Pourtant chaque univers musical insulaire est resté autonome. Le chant glagolitique possède cette curieuse valeur d'une «musique ancienne» qui n’a jamais eu le temps de devenir ancienne car elle résonne toujours dans les ruelles et les églises dalmates, sans être obligée de se taire.

Cependant, l’idée de ce programme n’est pas de reproduire le chant glagolitique tel qu’il sonne encore aujourd’hui parmi les dernières générations de chantres traditionnels. La Vision de Tondale interprétée par Dialogos est une tentative de reconstruction de la musique dalmate médiévale, un voyage vers les temps où les chantres luttaient pour leur langue et leur musique, et où les mêmes églises possédaient des manuscrits latins et glagolitiques. Le chant qui accompagne Tondale dans son étrange voyage est à la fois audacieux et archaïque, comme une rencontre soudaine avec nos propres ancêtres qui ont survécu à travers les siècles sans nous l’avoir jamais avoué.

Remerciements à Katarina Livljanic et à l'ensemble Dialogos


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