11-29/10/2003

OPÉRA
Renata Pokupic est Anna dans Les Troyens
Mezzosoprano lyrique, elle interprète le troisième rôle féminin dans le chef d'œuvre de Berlioz donné à Paris sous la direction de sir John Eliot Gardiner.

Renata PokupicRemarquée au Festival de Prague par le chef d'orchestre anglais John Eliot Gardiner, la mezzosporano croate Renata Pokupic interprète le rôle d'Anna dans Les Troyens au Théâtre du Châtelet, l'événement musical de la saison, donné à guichets fermés. Dans un entretien exclusif, elle nous livre ses impressions. C'est la première fois que la version intégrale du chef-d'oeuvre de Berlioz, dont on commémore le bicentenaire de la naissance, est présentée à Paris. Oeuvre épique et intimiste, monumentale et mentale, l'une de ses six représentations sera retransmise en direct par France 2/France 3, le dimanche 26 octobre à 14 heures.

"S’abandonner à l'émotion musicale"
Entretien avec Renata Pokupić

— Après des études à l’Académie de musique de Zagreb suivies de plusieurs années au sein du chœur de l’Opéra national de Zagreb ou passées à donner des récitals, il semble que le véritable révélateur de votre carrière internationale ait été votre passage à l’École internationale d’été de Varazdin. Qu’en est-il au juste ?

LES TROYENS

Grand opéra en cinq actes. Livret d'Hector Berlioz (1803-1869) d'après L'Énéide de Virgile.
Créé le 4 novembre 1863 au Théâtre-Lyrique de Paris (Les Troyens à Carthage) et les 5 et 6 décembre 1890 au Hoftheater de Karslruhe (La Prise de Troie, les Troyens à Carthage).


Dessin préparatoire de Yannis Kokkos. © Y. Kokkos.

Direction musicale :
Sir John Eliot Gardiner

Mise en scène, décors et costumes :
Yannis Kokkos

DISTRIBUTION
Didon : Susan Graham
Cassandre : Anna Caterina Antonacci
Anna : Renata Pokupić
Énée : Gregory Kunde / Hugh Smith*
Chorèbe : Ludovic Tézier
Panthée : Nicolas Testé
Narbal : Laurent Naouri
Iopas : Mark Padmore
Ascagne : Stéphanie d'Oustrac
Hylas/Hélénus : Topi Lehtipuu
Priam/Mercure : René Schirrer
Un Chef Grec : Robert Davies
Le Fantôme d'Hector : Fernand Bernardi
Sentinelles troyennes : Laurent Alvaro
Nicolas Courjal
Hécube : Danielle Boutillon
Polyxène : Frances Jellard
Andromaque : Lydia Koniordou

Orchestre Révolutionnaire et Romantique

Monteverdi Choir
Chœur du Théâtre du Châtelet

Chef de chœur : Donald Palumbo.

THÉÂTRE DU CHÂTELET, 1 place du Châtelet, Paris 1er, Tél. 01 40 28 28 40. Les 11, 14*, 22 et 29* octobre 2003 à 18h30. Le 26 octobre à 14h. Places de 15 € à 150 € (les six représentations affichent complet).
Point d'orgue des célébrations du bicentenaire de Berlioz, l'événement sera retransmis en direct le dimanche 26 à 14h sur France 2 et France 3, et sur France Musiques).

— Renata Pokupić. En effet, c’est à Æstas Musica, l’École internationale d’été de Musique et de Danse baroque de Varazdin, en Croatie, que j’ai eu la chance de rencontrer Catherine Mackintosh et Laurence Cummings, qui y enseignent. Ces musiciens de Londres véritablement exceptionnels ont cru en moi et m’ont beaucoup aidée à me perfectionner. En parallèle, j’ai participé à des concours internationaux, remporté plusieurs prix et acquis une précieuse expérience. Depuis trois ans, je travaille avec Eva Blahová, professeur à l'International Holland Music Session de Bergen (Pays-Bas), qui m’a encouragé à participer à plusieurs festivals internationaux. Beaucoup d’événements se sont donc succédés au cours de ces deux dernières années : j’y ai aussi gagné en assurance et réalisé que j’obtenais de bons résultats sur le plan international. J’ai étoffé mon répertoire et compris que je pouvais me dépasser.

Dans Les Troyens de Berlioz, vous incarnez Anna, sœur de la reine Didon. Pouvez-vous nous dévoiler les circonstances qui ont amené sir John Eliot Gardiner à remarquer votre talent et à vous confier finalement le troisième rôle féminin de cet opéra mythique ?

Renata Pokupic
Sir John Eliot Gardiner. Le chef d'orchestre anglais dirigera la version intégrale du chef d'œuvre de Berlioz, présentée pour la première fois à Paris.

En fait, j’ai rencontré John Eliot Gardiner avant tout grâce à Maja Zarkovic, directrice de l’École internationale d’été de Varazdin, et à ses remarquables professeurs. J’ai eu la chance d'obtenir une audition dans la capitale tchèque alors que j’y chantais au festival du « Printemps de Prague ». C’était épique et particulièrement angoissant. Le même jour, j’avais auparavant la répétition générale du concert de Prague, puis l’audition, et enfin, le soir même, le concert. Une journée bien remplie ! J’étais malgré tout très inspirée par la chance qui m’était donnée de chanter devant sir Gardiner en personne, mon maestro fétiche. C’est d'ailleurs justement ses enregistrements que j’écoute chez moi, notamment La Clémence de Titus de Mozart, mon compositeur préféré. Il m’a demandé de lui chanter un air de cet opéra et je crois qu’il a aimé ma prestation. Je me suis sentie comme sur un nuage.

Entre une répétition et un concert, cela n’a sans doute pas dû être simple…

BICENTENAIRE DE BERLIOZ

1803-2003, Célébration du bicentenaire de la naissance d'Hector Berlioz (1803-1869).
"En ayant su concilier la clarté latine et les valeurs capiteuses de l'esprit nordique, Berlioz apparaît non seulement comme le plus grand, mais comme le seul représentant authentique du romantisme musical français."
Henry Barraud.
Hector Berlioz

En fait, j’avais une seule chose en tête, être moi-même et m’abandonner à l'émotion que me procure la musique. En fait, ces auditions sont ce qu’il y a de plus difficile dans ce métier. On y écoute, non pas ce qui est bon, mais on y guette surtout les imperfections. L’atmosphère y est habituellement tendue, mais peut-être ai-je su rester décontractée et saisir cette chance unique. J’ai chanté en essayant de garder ma sérénité et en savourant l’instant. Je crois qu’il l’a senti aussi. Non pas seulement mes performances purement techniques, mais je crois avant tout le fait même que j'ai réussi au cours d’une audition comme celle-là à m’abandonner totalement à la musique, faisant abstraction du reste.

Renata Pokupic
Renata Pokupic : "Chanter dans Les Troyens de Berlioz sous la direction du maestro Gardiner sera pour moi une étape-charnière".
© photo : R. Pokupic.

Comment voyez-vous l’avenir ? Avez-vous des projets qui vous tiennent à cœur?

Je crois d’abord que chanter dans Les Troyens de Berlioz sous la direction du maestro Gardiner sera pour moi une étape-charnière. Autant que je puisse en juger, il se montre très satisfait de ma prestation, de mes progrès, et même de mon français... qui n’était pourtant pas si bon au début ! J’aimerais tant continuer à travailler avec lui, ce qui n’était, il n'y pas si longtemps, qu’un rêve… Tout cela me semble parfois encore si irréel.
D'autre part, du fait j'ai une voix de mezzo-soprano lyrique, et non dramatique, il est sûr que je ne chanterai jamais des rôles de Verdi comme celui de la princesse Eboli dans Don Carlo ou de la bohémienne Azucena dans Le Trouvère... J'aimerais chanter avant tout un répertoire qui me convienne, de préférence du Mozart, du Haydn, du Haendel, dont la musique me touche d’une manière intense. Quand un chanteur ressent au plus profond ce qu’il interprète, lorsqu’il vibre de tout son être, alors cela devient magique. J’aime en particulier l’opéra baroque et je suis ravie d’interpréter l’année prochaine Dejanira dans l’opéra Hercules au London Handel festival, sous la direction de Laurence Cummings.

C’est la première fois que vous chantez sous la direction de John Eliot Gardiner. Quelles sont vos premières impressions ?

LIENS

Renata Pokupic (pages personnelles)
Ecole internationale d'été de Varazdin
Théâtre du Chatelet
London Handel Festival
International Holland Music Session de Bergen

Gardiner est vraiment un génie. J’ai éprouvé un réel bonheur au cours des nombreuses répétitions quotidiennes, dont certaines ont duré pas moins de six heures. C’était à chaque fois une source d’inspiration infinie. Dès le début tout était mis au service de la musique, avec un souci minutieux de chaque phrasé, de chaque mot. Gardiner exige une élocution absolument irréprochable. Il sait exactement ce qu’il veut et rien n’est trop difficile pour y parvenir, mais au bout du compte le résultat est hors du commun. Malgré cela, en à peine deux semaines de répétitions il a réussi à obtenir un résultat musicalement parfait dans les trois derniers actes, c’est dire!

C’est la première fois que vous chantez en français. Cela doit être terrifiant pour quelqu’un qui ne possède pas la langue de Voltaire ! Comment êtes-vous parvenue à relever ce défi ?

Chanter en français est pour moi un grand défi, d’autant plus que cela a lieu à Paris et dans Les Troyens de Berlioz ! J’essaie simplement de ne pas trop y penser, pour ne pas avoir le tournis.

C’est en effet pour moi un grand défi de chanter en français. C’est d’autant plus impressionnant que cela a lieu non seulement à Paris mais en plus dans la représentation intégrale des Troyens de Berlioz ! J’essaie simplement de ne pas trop y penser, pour ne pas avoir le tournis... Lors des premières répétitions, John Gardiner m’a vraiment beaucoup aidé à améliorer mon français. Puis les brillants répétiteurs du Théâtre du Châtelet, qui ont pris son relais, se sont révélés d’une attention et d’une gentillesse extrême. Ils m’ont tous tant soutenu que mes progrès en français sont, à les croire, spectaculaires. Si c'est le cas, ils y sont certainement pour beaucoup. Au début, on me corrigeait car je n’entendait pas certaines subtilités que j’ai intégrées par la suite, jusqu’à trouver la meilleure manière de chanter pour que l’élocution soit limpide. Le français est une langue si merveilleuse, pleines de finesses et de nuances, jusque dans sa prononciation. C’est un vrai bonheur de la découvrir de cette manière.

Propos recueillis par Zvonimir Frka-Petesic

UN OPÉRA-MARATHON DE PLUS DE CINQ HEURES

Pièce maîtresse dans la carrière de compositeur d’opéra d’Hector Berlioz, dont on commémore cette année le bicentenaire de la naissance, Les Troyens est l’un des ouvrages les plus longs et les plus complexes de tout le répertoire. Composée entre 1856 et 1858, cette vaste fresque inspirée de Virgile dut d’emblée être séparée en deux parties : La Prise de Troie (rassemblant les deux premiers actes) et Les Troyens à Carthage (réunissant les trois derniers). De son vivant, Berlioz n’eut la chance de voir représenter que cette deuxième partie, au Théâtre-Lyrique de Paris, en 1863. La première dut attendre 1890, soit vingt-et-un ans après la disparition du compositeur, pour être créée à Karlsruhe.

Les TroyensSouvent donnée par la suite en deux soirées distinctes, moyennant d’innombrables coupures, la partition ne se conçoit pourtant que dans sa continuité, seule capable d’en exalter les beautés et les audaces. Dans Les Troyens, Berlioz fait en effet appel à toutes les formes d’expression : airs, ensembles, choeurs, processions (la célèbre Marche troyenne, emblème du Ballet de l’Opéra de Paris), interludes orchestraux, intermèdes mimés et dansés... Le tout au service d’un livret narrant l’épopée d’Enée qui, fuyant Troie après la chute de la ville, échoue à Carthage où il tombe sous le charme de la reine Didon, avant de la quitter pour aller fonder Rome de l’autre côté de la Méditerranée.


La Prise de Troie

Acte 1 : Le camp abandonné des Grecs dans la plaine de Troie
Les Grecs viennent de quitter Troie dont les habitants découvrent avec stupeur un cheval abandonné sur place par leurs ennemis. La prophétesse Cassandre pressent un malheur, mais nul ne lui porte attention. Interrompant les festivités liées au départ des Grecs, Andromaque, brisée, paraît avec son fils. Enée/Priam a lui aussi été témoin de signes néfastes. Il fait néanmoins entrer le cheval dans Troie, restant sourd à la prophétie de Cassandre.

Acte 2 : Un appartement du palais d’Enée
Le spectre d’Hector apparaît à Enée dans son sommeil, et l’engage à fuir Troie pour aller fonder l’Italie. Panthée révèle à Enée le stratagème des Grecs et l’incendie de Troie.
Cassandre apprend aux Troyennes qu’Enée a pu s’échapper avec le trésor de la ville. Elle met fin à ses jours sur ce cri des Troyennes : « Italie, Italie ! »


Les Troyens à Carthage

Acte 3 : Le Palais de Didon à Carthage
Après une nuit d’orage, le peuple carthaginois rend hommage à sa reine. Didon fait part de sa mélancolie à sa sœur Anna qui lui promet l’amour, au-delà de la fidélité à son mari défunt.
Iopas annonce l’arrivée d’une flotte étrangère : ce sont les Troyens, menés par Enée et son fils Ascagne. A peine arrivé, Enée offre ses armées pour défendre Carthage menacée par Iarbas et les troupes numides.

Acte 4 : Chasse royale et orage
Le ministre Narbal s’inquiète de voir Didon délaisser le pouvoir. Au cours d’un divertissement, Didon presse Enée de poursuivre le récit de son aventure. Frappée par le sort d’Andromaque, qui finit par épouser son ennemi Pyrrhus, elle s’abandonne à son amour pour Enée. Nuit d’amour et apparition de Mercure : « Italie, Italie ! »

Acte 5 : Au bord de la mer
Dans le port de Carthage, les chefs troyens s’apprêtent à lever l’ancre. Une fois encore, des voix leurs parviennent : « Italie, Italie ! »
Tiraillé entre amour et devoir, Enée cède aux injonctions des spectres de Priam, Chorèbe, Hector et Cassandre et fait ses adieux à Didon.
Désespérée, la reine choisit la mort. On dresse un bûcher. Une fois qu’elle en a franchi les marches, Didon se frappe de l’épée d’Enée et meurt, prédisant la revanche d’Annibal et la chute de Carthage.
Sources : www.chatelet-theatre.com

 

  RECHERCHER
 
  Approfondir

  TOUS LES ARTICLES
  7e Journées culturelles de la Croatie à Coucy-le-Château  
  Dora Maar - Picasso : Regards complices  
  Les sites croates du Patrimoine mondial  
  La langue et la culture croates et la mondialisation  
  Des Racines & des Ailes : Spéciale Croatie  
  « Angle nord » de Hrvoje Pejakovic  
  Vie et Poésie de Tin Ujevic  
  M. Radman : « la question de l'homme transgénique »  
  La Vision de Tondal sacrée Diapason d'or  
  Venise redécouverte par Matvejevitch  
  La Renaissance en Croatie  
  Dessins et gravures de Josip Zanki  
  Radovan Ivsic, poète de l'amour fou et du rêve  
  Tomislav Gotovac, l'infatigable trublion  
  La cyber-citoyenneté selon Andreja Kuluncic  
  Marica Bodrozic ou la candeur d'une enfance dalmate  
  Conférences : Louise Lambrichs & Alain Finkielkraut  
  L'Europe de 2020 s'affiche  
  Jasenka Tucan-Vaillant à l'Unesco  
  Dino Jelusic remporte l'Eurovision junior  
  L'INA rend hommage à Ivo Malec  
  Renata Pokupic est Anna dans Les Troyens de Berlioz  
  Les Symphonistes de Zagreb jouent pour Barbara Hendricks  
  Klapa Vranjic en Provence  
  Miroslav Radman, Grand Prix Inserm 2003  
  Des Racines & des ailes : spéciale Croatie  
  Exposition : Zvonimir Loncaric  
  Dialogos : la Vision de Tondale  
  Salone, capitale de la Dalmatie romaine  
  Cannes 2003 : "Susa" de Dalibor Matanic  
  Rencontres avec cinq poètes croates  
  Dialogos : Lombards et Barbares  
  Edition française de la "Judith" de Marulic  
  Voix dalmate : Kate - Rencontre magique  
  Miroslav Radman élu à l'Académie des Sciences  
  INALCO - Miroslav Krleza et la littérature  
  UNESCO - concilier paysage dalmate et urbanisme méditerranéen  
  Photo - Vraies Semblances, Frank Horvat  
  Exposition Edo Murtic  
  Sorbonne : Franjo Vranjanin - Francesco Laurana  
  Graphisme - Knifer prend le maquis  
  Découverte : l'Adriatique vue par Ulysse  
  Animation - Flash sur les contes croates  
  Poésie - "Personne ne parle croate"  
  Soirée littéraire - Tomislav Durbesic  
  Concert de Maksim Mrvica à l'ADI à Paris  
  Ivan Kozaric au Musée d'Art Moderne de Paris  
  Poésie croate au 4e Printemps des poètes  
  Engagement, Exil, Poésie: Kordic, Hrustanovic, Gotovac  
  Hommage à Jean-Louis Depierris  
  Le Seuil: Hommage à Mirko Grmek  
  Dialogos: La Vision de Tondale  
  Soirée musicale croate  
  Poésies croates au 19e Marché de la Poésie  
  Miro Kovac : La France et la question croate  
  Expo : Atelier 8815  
  Graphisme : Julije Knifer à Saumur  
  Expo : L'Europe des Anjou  
  Je parle français, et toi ?  
  Rétrospective du cinéma croate à la Sorbonne  
  Maksim Mrvica aux 11e Rencontres des Jeunes pianistes  
  Chœurs des églises de Hvar  
  liste complète

 
  ARCHIVES DES BRÈVES  
  IN MEMORIAM
 
Mirko Drazen GRMEK, historien de la médecine et spécialiste de Claude Bernard
 
  Docteur Grmek  
  L'engagement et la cohérence  
  La mémoire manipulée  
  La démocratie européenne à l’épreuve de la guerre contre la Croatie  
  Rudjer Josip BOSKOVIC (1711-1787)  
 

 LA CROATIE | ACTUALITÉS | VIE CULTURELLE | L’AMBASSADE | ACCUEIL 

 Haut de page | Plan du site | Nous contacter