REVUE
DE PRESSE
LE
FIGARO, 15/12/2004
Comment
la couturière Milka s’est retrouvée chocolat
Véziane
de Vézins
Milka
Budmir, pour n’être qu’une petite couturière
de la Drome, d’origine croate, n’en connaît
pas moins ses classiques. Elle sait qu’une rose, même
appelée autrement, sentirait toujours la rose, et que toutes
les vaches, quelle que soit leur couleur, donnent le même
lait. On voit bien qu’elle n’a jamais vu de vache
mauve, sinon elle saurait que cette espèce-là donne
du cacao. Cela va lui coûter cher. Peut-être 3 500
euros de dommages et intérêts que lui réclame
la firme américaine Kraft Foods, étable-mère
du ruminant de couleur parme qui agrémente les tablettes
de chocolat du même prénom.
Du
même prénom que Milka, s’entend. Et c’est
là que la trayeuse blesse. Plutôt commun en Croatie,
ce prénom signifie Petite reine, ce qui est plus joli que
Bécane. Oui, eh bien, la dame aurait mieux faire d’ouvrir
son site à l’enseigne de « Bicyclette »
ou de « Draisienne », enfin n’importe quoi qui
n’ait pas, en France, un relent suave de ganache, de truffe
ou de praline.
L’affaire a commencé il y a trois ans, quand le fils
de la modeste modiste lui a offert pour cadeau de Noël, un
site Internet au nom de sa petite entreprise, Milka couture. Bêtement,
elle a nommé son site www.milka.fr.
On pouvait y trouver, sur une malheureuse page, les adresses de
ses deux boutiques et leurs horaires d’ouvertures. Milka
buvait du petit lait. Elle avait tort. Après deux ans de
menaces, le groupe américain, qui l’accuse de vouloir
se sucrer sur le dos de la bête, la poursuit devant le tribunal
de Nanterre pour « dilution de notoriété ».
Et voilà, comment un menaçant holding composé
d’une obscure petite main de Bourg-lès-Valence est
devenue la bête noire la vache mauve.
Dans
ce monde où, le silence n’étant plus d’or,
chaque banalité dûment déposée vaut
de l’argent, les Ariel, Marie, Francine, Robert, Mercedes,
Elise et Clio, même s’ils ont pignon sur rue, feraient
bien de ne l’avoir jamais sur le Net. Une seule solution
: baptiser ses enfants avec des noms de choses. Pour l’instant,
les « Tracteur », « Pelleteuse » ou «
Cendrier » ne courent pas de risque majeur. En attendant,
Milka se retrouve chocolat. Pourtant, flairant que pour se faire
un prénom, il faut être célèbre, aux
dernières nouvelles, Kraft Foods est prêt à
transiger. Le géant propose à la frondeuse de lui
racheter son site pour 2 000 euros. Mais la microdilueuse refuse,
au prétexte qu’elle a déjà déboursé
7000 euros dans la bataille. C’est dommage. A vacherie offerte,
on ne regarde pas les pis.
Pourtant, Goliath n’a pas raison non plus. Car la vraie
réussite consiste à faire de son nom propre un nom
commun. Quand la vache lilas rejoindra Poubelle, Silhouette et
Pinard au Panthéon des objets qui ont une âme, elle
cessera de ruminer.
AP,
14/12/2004
SOCIÉTÉ
Milka, la petite
couturière drômoise attaquée en justice par
la vache mauve
BOURG-LES-VALENCE
- Dans sa boutique de Bourg-lès-Valence (Drôme),
Milka Budmir, une couturière de 58 ans originaire de Croatie,
n'en démord pas. «Je ne veux pas me faire écraser
comme une mouche par la vache mauve», répète
elle avec son accent chaud d'Europe centrale.
Bien déterminée, la petite modiste
se dit prête à affronter, en justice, le 31 janvier
prochain, le géant agro-alimentaire américain: Kraft
Foods, propriétaire de la marque de chocolat à l'effigie
de la vache mauve: Milka. Le groupe poursuit en effet Mme Budmir
devant le tribunal de Nanterre, après plus de deux ans
de menaces, parce que celle-ci a ouvert un site internet baptisé
www.milka.fr.
«Ils veulent me prendre mon travail,
ma vie et même mon prénom!», dénonce
la couturière qui explique que dans son pays, Milka est
un prénom féminin très répandu. «Cela
veut dire 'petite reine»', précise-t-elle, avant
d'ajouter: «Tout naturellement, lorsque j'ai ouvert
ma boutique il y a 14 ans, je l'ai baptisée 'Milka Couture'
(...) Ce que je fais n'a rien a voir avec le chocolat»,
clame-t-elle.
Pour Noël 2001, son fils lui offre tout
à fait légalement un site internet. «Il m'avait
dit : Tu pourras donner des conseils, faire voir ton travail,
afficher tes modèles, et les horaires d'ouverture des boutiques»,
raconte Milka.
De ce cadeau, une seule page a pu voir le jour.
On peut y lire l'adresse des deux boutiques de la couturière
et leurs horaires d'ouverture. Las, six mois à peine après
la mise en service du site, Mme Budmir a reçu deux lettres
recommandées d'avocats mandatés par Kraft Foods.
Constat d'huissier à l'appui, les conseils
du chocolatier font valoir que «Milka» est une marque
«de renommée» protégée, entre
autres, par le Code de la propriété intellectuelle,
et qu'en conséquence tout emploi non autorisé de
Milka porte atteinte au fameux chocolat.
Le géant agro-alimentaire accuse donc
Mme Budimir de «dilution de notoriété»
car, par son activité de couture, elle affaiblirait «sensiblement
le caractère distinctif de la marque en lui conférant
un caractère banal».
Dans un premier temps, Kraft, qui se déclare
«ouvert au dialogue», réclame 3.500
euros de dommages et intérêts à la couturière
pour ce préjudice et surtout l'abandon de son adresse sur
le Web.
«Une marque veut interdire d'utiliser à
quelqu'un son prénom! C'est comme si aujourd'hui on ne
pouvait plus baptiser du prénom de Mercedes sa fille»,
fait remarquer Me Gérard Haas, avocat bien décidé
de faire reconnaître à la couturière son bon
droit.
En attendant une décision de justice,
la couturière vient de recevoir une nouvelle lettre de
Kraft Foods où le groupe lui propose maintenant 2.000 euros
pour acheter le nom de domaine Milka.fr. «Il n'est pas
question que je vende, d'autant que j'ai dépensé
pour 7.000 euros dans cette procédure», résume
la sexagénaire, soutenue par ses enfants et ses fidèles
clients. AP
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