Le Monde
diplomatique, août 1999
Le Monde diplomatique publie
la réponse de lAmbassadeur
M. Smiljan
Simac, ambassadeur de Croatie en France (de 1995 à 1999),
réagit à larticle de Tommaso Di Francesco et Giacomo Scotti,
« Soixante ans de 'purifications ethniques' », publié
dans Le Monde diplomatique de mai 1999 :
M. Di
Francesco écrit : « En Croatie, avec la réapparition
des oustachis, on a ouvert un peu partout la chasse aux Serbes.
Ceux-ci nont pas tardé à réagir (...) . » La
vérité est tout autre : il ny a pas eu en Croatie de
« réapparition doustachis ». Si, à la suite
de la conquête par larmée de Milosevic dun quart de
la Croatie, des individus se réclamant des oustachis se sont manifestés,
il sagit là de cas marginaux, le score de lextrême
droite en Croatie nayant jamais dépassé les 5 %. M. Di
Francesco, qui tente de suggérer ainsi que la Croatie actuelle
nest que lhéritière des oustachis, feint dignorer
quau contraire - et de par sa Constitution même - elle fonde
sa légitimité, ses frontières, sa continuité et finalement sa
place parmi les pays sortis vainqueurs de la seconde guerre mondiale
de la République socialiste de Croatie, établie dans le maquis
par la proportionnellement très nombreuse résistance des partisans
croates : en 1943, 100 000 maquisards de Croatie,
fer de lance des 300 000 partisans de Tito, combattaient
quelque 60 000 oustachis, les tchetniks grands-serbes ainsi
que les troupes des occupants allemands et italiens (...).
Avancer
que lopération militaire croate de 1995 fut « approuvée par les
Etats-Unis et soutenue par lOTAN » est tout aussi inexact. Jen
veux pour preuve parmi dautres le gel de tous les accords de partenariat
que la Croatie était sur le point de conclure avec les pays occidentaux, avant
de devoir se résigner au recours à la force. Ce qui est vrai, en revanche, cest
que, après lhumiliation consécutive à la prise en otage par les Serbes des
« casques bleus » en Bosnie et les massacres de Srebrenica et de Zepa,
lopération croate, tel un deus ex machina, sortait la communauté internationale
de lornière puisquelle ouvrit la voie aux accords de paix de Dayton,
conclus trois mois plus tard (...).
« M. Tudjman
ne sest-il pas récemment vanté davoir réduit la proportion de Serbes
dans son pays de 12 % en 1991 à 2 % ou 3 % désormais ? »,
écrit M. Di Francesco, affirmation prétendument tirée du « Discours
à la nation du président Tudjman au Parlement croate, janvier 1999 ». Or
non seulement il ny a aucune trace dune quelconque allusion à cette
question dans le discours prononcé, mais encore lestimation avancée est
totalement fantaisiste (...).
Contrairement
à ce quavance M. Di Francesco, les Serbes y sont aujourdhui majoritaires
[en Slavonie orientale]. La majorité des déplacés croates devant dabord
reconstruire leurs habitations avant de pouvoir envisager le retour. Selon le
dernier rapport du Conseil de lEurope (avril 1999), les Serbes, dont le
nombre est évalué à 55 000 (une minorité dentre eux ayant malgré tout
préféré sexiler en Serbie), représentaient en mars dernier plus de 52 %
de la population locale, lOSCE quant à elle estimant ce pourcentage à 65 %
(...).
Ce quà
lévidence M. Di Francesco refuse de voir, cest que le succès
de la réintégration pacifique de la Slavonie orientale représente la seule mission
de lONU menée au cours des trente dernières années qui sest achevée
sur une réussite, et ce dans les délais impartis (...).
Enfin,
affirmer que le nombre des Serbes de Slavonie a été « réduit de moitié »,
cest témoigner une fois encore dune profonde méconnaissance des
faits. En effet, si un nombre restreint a préféré quitter la Croatie, M. Di
Francesco semble ignorer que 28 000 réfugiés serbes de Krajina qui sétaient
installés en Slavonie orientale en 1995 ont retrouvé leurs foyers. Dans le même
temps, 30 000 autres provenant de Bosnie ou de Serbie ont également pris
le chemin du retour (...).
|