Libération,
25/05/2005
REVUE
DE PRESSE
SPORTS
Mario
Ancic atterrit en douceur
Spécialiste
du droit et du gazon, le jeune Croate a passé le premier
tour.
Par Grégory
SCHNEIDER
Comment
fait-on
pour se débrouiller sur terre battue quand on a plutôt
le pied vert ? «On ne change rien.» Mario Ancic, ci-devant
croate, demi-finaliste à Wimbledon en 2004 après avoir
désossé la gloire locale (Tim Henman) en trois manches
grâce à son mètre quatre-vingt-seize et des
premières balles à 210 km/h, a passé un tour
hier. «Bon, ici, tu ne vas pas non plus prendre le filet au
troisième coup de raquette. Mais faut pas croire, j'aime
bien. La terre révèle tout : les fautes techniques,
les manques dans le placement, les sautes de concentration. Même
pour un gars comme moi, c'est intéressant.» Ancic a
21 ans. Ça fait six ans qu'on lui promet un destin à
la Goran Ivanisevic, vainqueur à Wimbledon en 2001 et enfant
terrible d'un tennis croate qui n'a existé qu'à travers
lui.
Ancic
a habité dans la même rue que son aîné,
à Split, partageant le même goût un peu pervers
pour les environnements hostiles. L'actuel 19e mondial confesse
avoir pris un maximum de plaisir à contrarier le public
de Wimbledon lors de son match face à Henman. Il s'exprime
lentement, avec le soupçon de condescendance qui fait la
race. Une phrase qu'il aime : «Je garde ça pour moi.»
Ses études de droit, qu'il poursuit malgré sa carrière
? «Ça me regarde.» Bon. «Tu es sur un
tournoi, tu joues, tu rentres à l'hôtel, tu allumes
la télé. Le lendemain, même chose. Le surlendemain,
pareil. Les bouquins de droit me permettent de me nettoyer l'esprit.
De rester dans le truc, finalement.»
Pour
le moins sûr de lui dans la vie, Ancic est tout autre sur
le court, où sa gaucherie et son côté engoncé
rappellent combien tout est allé vite pour lui. Il explique
l'impression ressentie lors de sa première convocation
en Coupe Davis, à 15 ans. «Extraordinaire. Comme
tous les Croates là je ne parle pas seulement des
joueurs de tennis , j'ai grandi dans le mythe de cette épreuve.
Goran m'en avait aussi parlé. Franchement, pour moi, une
Coupe Davis vaut plus cher qu'un titre du Grand Chelem. Lors du
match de Zagreb (un dernier match sans enjeu contre le Portugal,
ndlr), la foule m'avait impressionné. D'ordinaire, je jouais
devant vingt personnes à tout casser. Là, ça
voulait dire : je suis chez les grands.»
A
18 ans, Antic avait déjà l'aplomb nécessaire
pour virer Bob Brett, son coach jusque-là, ainsi que certaines
des plus grosses pointures des années 90. Rohan Goetzke,
qui s'occupe de lui aujourd'hui, décrit son homme comme
«un éternel étudiant du jeu». «J'adore
voir du tennis, confirme le Croate. J'aime beaucoup traîner
sur les petits tournois, pour voir jouer les autres. A Roland-Garros,
il est clair que c'est impossible pour un joueur comme moi.»
Le temps de dire ça, Ancic a déjà tourné
les talons, avec le contingent de journalistes croates qui ne
lâche pas d'une semelle la cause nationale. Tout de même,
qu'est-ce qu'il a appris du tennis ? «L'indépendance.»
Enfin, c'est ce qu'on a cru entendre, parce qu'il l'a marmonné...
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