REVUE DE
PRESSE
Le Figaro, 11/11/2002
PHOTOGRAPHIE
Un regard de reporter sur le
conflit dans l'ex-Yougoslavie
Les « éclats
de guerre » d'Alexandra Boulat
Alexandra
Boulat est une grande figure du photojournalisme contemporain, et la centaine
de photos de l'exposition Éclats de guerre, dans le cadre du Mois de la
photo à Paris, rappelle son travail sur la guerre en ex-Yougoslavie. Elle dit
être tombée par hasard dans la guerre. Photographe pour l'agence de presse Sipa,
Alexandra Boulat s'est embarquée pour la Yougoslavie en 1991 ; son responsable
éditorial pressentait l'imminence de la guerre, il voulait fixer un monde au bord
de l'abîme. Elle est donc partie capter les derniers moments de paix, dressant
une sorte d'inventaire avant liquidation. Et puis vint l'explosion attendue. La
guerre. Cela aurait dû être pour elle le retour en France. Mais la photographe
décida de ne pas partir, de suivre ce pays dans sa descente aux enfers. Pourquoi ?
La jeune femme ne connaissait rien au reportage de guerre. Elle s'explique : «
Je ne voulais pas abandonner ce pays auquel je commençais à m'attacher, à ce moment
tragique. »
En réalité,
elle ne s'appartenait peut-être déjà plus, emportée dans la tourmente, tout comme
les Yougoslaves. A ce détail près qu'elle n'était que spectatrice : « Cela change
tout que ce ne soit pas son propre pays qui sombre. Si cela aurait été le mien,
qu'aurais-je fait ? Sûrement pas des photos... » Et puis il y a cette fascination,
peut-être un peu morbide, pour ce révélateur des hommes qu'est la guerre.
Publiées
par des magazines comme National Geographic, Stern, Time ou Paris-Match, ses photos
égrènent les actes du drame yougoslave : Slovénie, Bosnie, Croatie, Kosovo...
Alexandra Boulat est l'un des rares photographes à avoir suivi ce conflit depuis
le tout premier assaut sur la Slovénie Jusqu'à l'entrée des poupes de l'Otan au
Kosovo. Autant de reportages qui l'ont révélée comme l'un des meilleurs photojournalistes
actuels. Depuis, elle cumule prix et distinctions pour son travail sur la Yougoslavie,
comme le Prix Paris-Match et le Visa d'or du Festival de Perpignan en 1998.
Ses images
sont un témoignage, naturellement, mais elle dit n'être « d'aucun camp, pour
aucune faction ». Photos sans surenchère ni jugement, donc. C'est d'ailleurs peut-être
ce qui les rend aussi efficaces. Dans ses photos, la tonalité brillante des chairs
domine, déchire l'univers guerrier d'un gris mat étouffant. Cela donne des images
aussi tragiques que diaboliquement belles. C'est atroce. C'est fascinant.
Vianney Delourme
Galerie
Debelleyme,
112 rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris, jusqu'au 30 novembre. Té1.: 01.42.71.14.02.
Livre Éclats de guerre, Éd. des Syrtes, préface de Bernard-Henri Lévy,
224 pages, 39 €.
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