LE
SOMMET DE ZAGREB
Intervention de M. Jacques
Chirac,
Président de la République
française, lors de la Séance inaugurale
Monsieur le Président,
Messieurs les chefs d'État et de gouvernement,
Monsieur le Président de la Commission,
Aujourd'hui,
à Zagreb, s'ouvre une nouvelle page de l'histoire de l'Europe. Engagée
il y a dix ans, avec la chute du mur de Berlin, la réconciliation de notre continent
avec lui-même est enfin en passe de s'accomplir. Ce
mouvement de fond répond avant tout à un impératif européen.
Tout d'abord
par cela même que nous célébrons aujourd'hui : la démocratie, l'humanisme,
le respect de l'autre. Telles sont les valeurs auxquelles, aujourd'hui, aspirent
tous les peuples représentés ici. Ensemble, nous devons les faire vivre et les
enraciner à jamais.
Européen,
ce mouvement l'est aussi par la détermination et la solidarité que l'Union européenne
vient exprimer ici. Parce que vous avez choisi la voie de la paix, de la démocratie,
du bon voisinage et du développement, vous avez choisi la voie de l'Europe. L'Union,
soyez-en assurés, est à vos côtés pour relever ce défi.
Lorsqu'au
printemps j'ai lancé l'idée de ce sommet, le choix de Zagreb me paraissait s'imposer,
pour bien marquer qu'une page avait été tournée. Je remercie le président Mesic
d'avoir fait écho à ma proposition. Depuis, le changement démocratique
s'est amplifié. Il a connu une évolution majeure avec la chute de Milosevic. Nous
espérons tous une nouvelle victoire de la démocratie aux élections législatives
du 23 décembre en Serbie, car nous savons que la consolidation de la démocratie
en République fédérale de Yougoslavie est indispensable pour assurer la stabilité
dans toute la région.
Ainsi,
la voie s'ouvre désormais au rapprochement de chacun de vos pays avec l'Union
européenne, dans le cadre du processus de stabilisation et d'association.
A Cologne,
le Conseil européen vous a offert une "perspective d'adhésion" a l'Union
européenne. A Feira, il vous a reconnu la qualité de "candidats potentiels
à l'adhésion".
Notre rencontre
d'aujourd'hui m'offre l'occasion, au nom de l'Union, de confirmer que cette perspective
est offerte aux cinq pays de la région, sur la base du Traité de l'Union européenne,
du respect des critères politiques et économiques de Copenhague, ainsi
que des progrès qui auront été accomplis dans la mise en œuvre des accords
de stabilisation et d'association, en particulier en matière de coopération
régionale.
A chaque
pays, nous proposons un véritable partenariat individualisé de stabilisation et
d'association, définissant les étapes à franchir et les réformes à
accomplir.
Ce rapprochement
est étroitement lié au développement de la coopération régionale. Il s'agit de
deux évolutions complémentaires. L'affirmation de la démocratie, la réconciliation,
la coopération régionale, sont en effet des éléments indissociables du rapprochement
avec l'Union. Par nature, la responsabilité en revient avant tout aux pays de
la région, notamment dans le cadre du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud
Est.
L'Union
européenne souhaite donc que les cinq pays concernés concluent entre eux des "conventions
de coopération régionale", permettant l'établissement d'un dialogue politique,
d'une zone de libre-échange, ainsi qu'une coopération étroite dans le domaine
de la justice et des affaires intérieures.
Nous attendons
beaucoup d'un nouveau dialogue politique régional. Le retour de
la démocratie doit permettre de nouer, dans le respect de valeurs
communes, des relations orientées vers la paix et la stabilité.
C'est dans cet esprit que pourront être réglées les questions
héritées du passé, telles que celles des frontières, des
minorités, des réfugiés
ainsi que tout problème dont la solution doit obéir au
principe du bon voisinage.
Ce faisant,
les pays de la région trouveront toute leur place au sein d'une Europe réconciliée
avec elle-même, pacifiée et prospère.
Je salue
les premiers progrès accomplis dans ces domaines et notamment les discussions
constructives de la réunion du 25 octobre à Skopje. Je pense à l'établissement
de relations diplomatiques entre vous, ainsi qu'aux premières avancées
en vue du règlement de la difficile question de la succession de la RSFY.
Je pense également à la nécessaire coopération avec le Tribunal pénal international
de La Haye. Car, il faut s'en souvenir, les crimes qui ont été commis l'ont été
par des régimes d'un autre âge contre la liberté et les Droits de l'Homme auxquels
sont attachés tous les peuples. C'est pourquoi il est de l'intérêt de tous
que ces crimes soient jugés et punis.
L'Union
européenne appelle également de ses vœux un renforcement de l'État de droit, seul
à même d'enraciner la démocratie. Ceci implique une action déterminée
et concertée contre la corruption, la criminalité organisée, le blanchiment d'argent
sale et tout autre trafic criminel concernant notamment les personnes et l'immigration
illégale. Il y a là un défi commun à relever.
Je souhaite
que nos débats d'aujourd'hui permettent à chacun d'exposer sa vision de
la coopération régionale, ses objectifs, ses ambitions, les difficultés qu'il
rencontre, les moyens qu'il souhaite mettre en œuvre pour les surmonter et la
manière dont l'Union européenne peut l'y aider. Nous sommes ici entre nous,
entre membres de la même famille européenne, et, d'une certaine manière,
le problème de chacun est le problème de tous.
C'est dans
cet esprit que l'Union s'est dotée, au cours des derniers mois, des instruments
qui permettront de soutenir vigoureusement le processus de stabilisation et d'association….
Je veux
d'abord évoquer le programme CARDS. A la suite des recommandations de M. Solana
et de la Commission visant à une meilleure cohérence de l'action européenne,
l'Union s'est enfin dotée d'un seul et grand programme d'aide en faveur de l'Albanie,
de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de l'ancienne République yougoslave de
Macédoine et de la République fédérale de Yougoslavie.
Pour la
période 2000-2006, ce sont 4,65 milliards d'euros qui ont été inscrits dans le
programme CARDS. Cette somme considérable illustre la volonté de l'Union d'être
au premier rang dans le soutien à la démocratie et au développement dans
la région.
A cette
aide budgétaire s'ajoutent l'adoption et l'entrée en vigueur de préférences commerciales
exceptionnelles. L'Union a décidé d'accorder pour 5 ans un accès préférentiel
au marché communautaire pour les produits des pays du processus de stabilisation
et d'association Ces préférences devraient vigoureusement contribuer au redémarrage
économique de la région, par une simulation des exportations.
Ces mesures
préfigurent l'établissement progressif d'une zone de libre-échange avec l'Union
européenne, prévue dans les accords de stabilisation et d'association.
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Un an après
le sommet de Sarajevo et le lancement du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud
Est, le sommet de Zagreb marque la détermination de l'Union européenne dans son
combat pour la démocratie, la paix et la réconciliation sur notre continent. Il
marque une nouvelle étape dans l'affirmation des valeurs que nous avons en partage.
L'Union
européenne a renforcé la cohérence et la visibilité de sa politique dans la région.
Elle a clarifié ses objectifs et accru l'ampleur de son aide. Les pays concernés
ont marqué leur volonté d'aller plus loin dans leurs réformes. Ils sont aujourd'hui
plus européens et l'Union européenne est davantage à leurs côtés.
Au nom
de l'Union européenne, je souhaite redire à tous les pays d'Europe du Sud
Est réunis avec nous : oui, votre place, votre avenir, sont au sein de la famille
européenne qui est aujourd'hui plus unie, et de ce fait, plus forte.
Sources :
le Ministère croate des Affaires étrangères,
la Présidence de la République
croate, la Présidence de la République
française, le Ministère
français des Affaires étrangères, la Présidence
française de lUnion européenne. |