LE SOMMET DE ZAGREB : REVUE DE PRESSE FRANÇAISE

Le Monde

24/11/2000

Les Quinze promettent aux pays des Balkans un avenir dans l’Union

Un sommet réunit vendredi à Zagreb les dirigeants européens et ceux de cinq pays balkaniques qui ont connu depuis dix ans l’instabilité et la guerre. Malgré le changement de régime à Belgrade, les États voisins de la Yougoslavie n’abordent pas cette rencontre comme celle des « retrouvailles ».

Pour la première fois, les dirigeants des quinze États membres de l’Union européenne vont rencontrer ensemble, vendredi 24 novembre à Zagreb, leurs homologues des pays balkaniques. La réunion sera brève – moins d’une journée – et débouchera sur une déclaration commune à laquelle tous les chefs des délégations ont déjà souscrit. C’est dire qu’il ne faut pas s’attendre que soit traité à Zagreb aucun des multiples contentieux qui hypothèquent encore l’avenir de cette région. Dans l’entourage de Jacques Chirac d’où est partie l’initiative de cette rencontre, on souligne que tel n’est pas le projet : il n’est pas question de régler tous les problèmes en un jour ; il s’agit de confirmer solennellement aux pays balkaniques que « l’intégration dans l’Union européenne est au bout du chemin et de leur dire très clairement ce que nous sommes prêts à faire pour les aider et ce que nous attendons d’eux ».

Les Quinze veulent favoriser la dynamique vertueuse que peut engendrer, comme ce fut le cas dans l’Europe centrale et orientale, la perspective d’appartenir un jour à l’Union européenne. C’est la première fois que cette perspective est proposée globalement à tous les pays du Sud-Est européen, sans que l’esprit bute sur le « trou noir » que constituait jusqu’en septembre dernier la Serbie de Milosevic.

L’initiative de ce sommet, à l’origine, n’avait rencontré d’enthousiasme ni chez les Quinze ni au Quai d’Orsay. Les événements de l’automne à Belgrade semblent avoir depuis fouetté les ardeurs. Tony Blair, qui s’était d’abord dit empêché, a finalement décidé de participer ; Hubert Védrine s’est converti et parle aujourd’hui de cette rencontre comme du « sommet des retrouvailles démocratiques ».

L’expression n’est guère adaptée. D’abord parce qu’il n’y a pas de passé idyllique avec lequel renouer ; ensuite parce que plusieurs des pays balkaniques invités sont encore assez loin d’avoir ancré chez eux la démocratie de façon stable ; enfin parce que les voisins de la Serbie, même s’ils se félicitent de la chute de Milosevic, sont assez peu disposés à célébrer des « retrouvailles » avec Belgrade.

A Zagreb, les Quinze vont demander de façon pressante aux États balkaniques de développer entre eux une « coopération régionale », c’est-à-dire des relations de bon voisinage. Autrement dit : entendez-vous entre vous et vous accélérez vos chances d’adhérer au club européen. Même si elle est logique, cette recommandation est de nature à irriter tous ceux qui ont eu et ont encore des démêlés avec la Serbie.

Le chef de l’État croate, Stipe Mesic, qui coprésidera le sommet avec Jacques Chirac, ne se prive pas d’exprimer la méfiance que lui inspire toute approche régionale des Balkans qui imposerait de nouveau à son pays une communauté de destin dont il ne veut pas avec la Serbie. « Oui à la coopération régionale, non au déterminisme régional », déclarait récemment, lui aussi, le premier ministre croate Ivica Racan, exprimant la même crainte que la marche de son pays vers l’Union européenne ne se voie freinée en raison des lenteurs de certains de ses voisins. A cela, l’Union européenne répond qu’elle est prête à négocier avec chacun des pays concernés des « accords de stabilisation et d’association » qui tiennent compte du rythme de progression propre de chacun.

Les dirigeants croates n’ont pas caché non plus, ces dernières semaines, qu’ils trouvent l’Europe trop laxiste vis-à-vis des nouvelles autorités yougoslaves et qu’eux en exigent davantage. Stipe Mesic a ainsi souligné à plusieurs reprises que la normalisation des relations bilatérales suppose de la part de la Yougoslavie le paiement de dommages de guerre, une mise au point claire sur les minorités serbes vivant au-delà de ses frontières et le transfert des criminels de guerre au tribunal de La Haye ; « Nous ne pourrons pas parler de relations normales avec Belgrade tant que les responsables des bains de sang de Vukovar et de Srebrenica se promèneront librement en Serbie », a-t-il dit.

Les dirigeants bosniaques pourraient dire la même chose avec encore plus de force et d’amertume. Milo Djukanovic, président du Monténégro – petite république de Yougoslavie qui souhaite s’émanciper de Belgrade –, s’il décide finalement de venir à Zagreb, ne cachera pas sa mauvaise humeur. Après l’avoir soutenu au temps où il tenait tête à Milosevic, les Européens le lâchent, le prient de ravaler ses velléités indépendantistes et l’invitent à participer au sommet au sein de la délégation que dirige Vojislav Kostunica. Quant aux Kosovars, ils ne seront pas là, puisque le Kosovo n’existe pas comme État.

Nombreux contentieux

On sera donc assez loin de la fête de famille balkanique au sommet de Zagreb, même si le président yougoslave vient y témoigner de ses bonnes intentions.

D’autre part, l’Union européenne n’est pas complètement dans son rôle si elle se contente de présenter à ces pays le même schéma qu’autrefois aux pays d’Europe centrale, fût-il accompagné d’un programme d’aide économique conséquent. Elle est, avec d’autres, directement engagée dans cette région et devrait donc se poser comme partie prenante au règlement des nombreux contentieux qui subsistent. Mais elle ne le fera pas à Zagreb.

La déclaration finale du sommet rappelle certes les obligations internationales auxquelles sont tenus tous les pays des Balkans, mais sans aller au-delà d’une énumération de principes qui ne met personne directement en cause. Or la stabilisation de la région, et encore plus la réconciliation, dépendent pour beaucoup de l’attitude de Belgrade. Cela va de problèmes immédiats comme le sort des Kosovars disparus ou détenus en Serbie, jusqu’aux difficiles questions du statut du Kosovo ou de l’indispensable refonte des accords de Dayton si l’on veut faire de la Bosnie un pays viable, en passant par le jugement des principaux responsables de crimes internationaux et par bien d’autres questions en suspens.

Les dirigeants de l’Union – qui, à la différence des Américains, semblent tout miser sur Vojislav Kostunica – veulent lui laisser du temps pour consolider son pouvoir. C’est réaliste, même si cela n’implique pas l’inhibition actuelle des Européens. Ils risquent de se trouver à Zagreb dans une position paradoxale : d’un côté appelant tous les pays de la région à accélérer le règlement de leurs différends pour rejoindre plus vite l’Union, et de l’autre côté freinant des quatre fers sur tous les sujets sensibles pour épargner à M. Kostunica des discussions inconfortables.

Claire Tréan


La Croatie de l’après-Tudjman a rompu son isolement, mais reste confrontée à la crise économique

ZAGREB de notre envoyé spécial

L’annonce du sommet réunissant l’Union européenne et les pays des Balkans est projetée en lettres lumineuses sur le parvis de l’église Saint-Marc de Zagreb. Un enfant simule une sorte de marelle en sautant d’étoile en étoile européenne à deux pas de luxueuses berlines garées devant les façades ravalées du gouvernement et du Parlement, sous le regard perdu d’un homme assis sur le trottoir. Sa pancarte résume ses dernières années de galère : « Sans travail, sans domicile, sans argent ».

Si les autorités peuvent se féliciter d’accueillir ce sommet qui symbolise le retour de la Croatie sur la scène diplomatique internationale depuis l’alternance démocratique du début de l’année, elles peuvent difficilement masquer la crise économique. « Nous vivons dans un pays développé qui s’appauvrit », dénonce Zvonimir Baletic, chercheur à l’Institut d’économie de Zagreb. « La population est de plus en plus frustrée parce qu’elle cherche désespérément les signes d’une amélioration de sa situation. Mais depuis sept ans, les différents gouvernements conduisent tous la même politique catastrophique », se lamente cet ancien ministre sans portefeuille de Franjo Tudjman en 1992. Plusieurs syndicats ont d’ailleurs appelé à manifester durant le sommet de Zagreb pour dénoncer la dégradation des conditions de vie.

« Progrès démocratiques »

L’arrivée au pouvoir, en décembre 1999, d’une coalition dominée par les sociaux-démocrates du premier ministre Ivica Racan avait sans doute fait naître dans l’esprit des Croates un espoir peut-être disproportionné après la décennie Tudjman, décédé le 10 décembre 1999, et la mainmise de sa formation (la Communauté démocratique de Croatie, HDZ) sur les affaires. Le changement de régime a permis de tourner une page, de rompre avec l’isolement international et d’oublier l’atmosphère pesante, résumée par l’expression en vigueur à l’époque de « ni guerre ni paix ». En septembre, le Conseil de l’Europe a d’ailleurs salué les « progrès démocratiques » de la Croatie au cours des mois précédents.

Les années de pouvoir du « père de la nation » n’avaient pas seulement étémarquées par les guerres contre la Serbie et en Bosnie-Herzégovine. Elles avaient également vu l’économie locale s’effondrer sous le coup du conflit et des réformes inachevées ou malfaisantes. Les destructions liées aux combats, le financement de l’armée et l’explosion du marché yougoslave auraient ainsi coûté, selon M. Baletic, quelque « 30 milliards de dollars à la Croatie, de 1991 à la signature des accords de Dayton » en novembre 1995, qui mirent fin au conflit bosniaque.

A sa décharge, le nouveau gouvernement doit donc gérer le lourd héritage du régime précédent. « Au début des années  90, nous estimions que notre structure économique, tournée vers les services et l’industrie légère, dotait la Croatie de plus d’atouts que n’en avait la Slovénie », remarque M. Baletic. Dix ans plus tard, le PIB croate par habitant atteint péniblement 30 % de la moyenne dans l’Union européenne. La Slovénie a, quant à elle, rattrapé le Portugal et la Grèce.

Au terme d’une politique suicidaire qui, depuis des années, surévalue la monnaie nationale, la Croatie a en effet perdu ses débouchés commerciaux extérieurs (le déficit commercial atteignait 3 milliards de dollars en 1999) et les magasins croates regorgent de produits importés, moins chers que la production locale. Le secteur industriel a également eu à pâtir de privatisations menées à la hussarde par le précédent régime au profit de ses amis. Depuis la mort de Tudjman et l’effondrement du HDZ, plusieurs d’entre eux, à l’image de Miroslav Kutle, prévaricateur ostentatoire sous le précédent régime, croupissent d’ailleurs en prison. Il reste que les entreprises croates qui n’ont pas fait faillite tournent au ralenti et ne semblent guère intéresser les investisseurs étrangers, à l’exception de certains secteurs (assurance, banque, tourisme, distribution d’énergie, télécommunications). Selon les chiffres officiels, un « actif » sur quatre est ainsi au chômage et 150 000 jeunes diplômés ont, depuis dix ans, quitté un pays de 4,8 millions d’habitants dans lequel ils n’entrevoient guère l’avenir.

Paix sociale

Au regard de ces statistiques, il n’est donc pas surprenant que le pouvoir renâcle à restructurer le secteur public, ce qui est synonyme de nouveaux licenciements. « La radio-télévision d’État (HRT) emploie environ 4  700  personnes. La moitié seulement est nécessaire mais le gouvernement ne veut pas entendre parler de plan social », affirme Mirko Galic, président de la HRT. Mais les spécialistes jugent qu’il sacrifie l’efficacité économique à moyen terme pour gagner quelques mois de paix sociale. « Résultat, la plupart des entre-prises tournent à perte et le pays s’enfonce dans la pauvreté », ajoute M. Baletic.

Aux affaires depuis onze mois seulement, le nouveau gouvernement tente donc de colmater les brèches mais sa marge de manoeuvre est étroite. La coalition de six partis emmenée par le Parti social-démocrate (SDP) et le Parti libéral-social (HSLS) de Drazen Budisa a trouvé des caisses pratiquement vides et un très lourd endettement, équivalent à près de la moitié du PIB. Parallèlement, le Fonds monétaire international (FMI) astreint le pays à la rigueur financière et incite aux coupes sombres dans les dépenses sociales héritées de la Yougoslavie socialiste et le train de vie de l’État.

D’où l’espoir des dirigeants croates d’obtenir enfin une aide financière substantielle de l’étranger et en premier lieu de l’Union européenne. Ils voient ainsi d’un bon oeil l’ouverture, vendredi 24 novembre, en marge du sommet de Zagreb, des négociations avec l’UE pour la signature d’un accord d’association et de stabilisation. Cet événement illustre l’un des acquis indéniables des nouvelles autorités : la réintégration de la Croatie dans les structures internationales après sa mise au ban des nations à la fin de l’ère Tudjman, en raison de la tournure autoritaire et corrompue du régime et de son manque de coopération avec le Tribunal pénal international. « Depuis les dernières élections, résumait récemment le militant pour les droits de l’homme Zoran Pusic, on respire plus facilement. Mais la vie quotidienne est toujours aussi difficile ».

Christophe Châtelot


25/11/2000

Le sommet des Balkans s’ouvre sur fond de regain de violence au Kosovo

A l’occasion de la venue à Zagreb du président yougoslave, Vojislav Kostunica, le chef de l’État croate, Stipe Mesic, appelle les dirigeants serbes à reconnaître les responsabilités de leur pays dans le déclenchement des guerres qui ont déchiré la région pendant dix ans.

ZAGREB, de notre envoyée spéciale Claire Tréan

Au Kosovo, l’un des proches conseillers du chef albanais modéré Ibrahim Rugova a été assassiné par balles, jeudi 23 novembre. Xhemajl Mustafa était l’un des fondateurs de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), le principal parti politique de la province. Son meurtre a été qualifié d’« acte méprisable et lâche » par un porte-parole de la Mission de l’ONU. La veille, une bombe avait explosé au domicile d’un représentant de Belgrade à Pristina, faisant un mort. La Force multinationale déployée dans la province (KFOR) a par ailleurs renforcé jeudi ses contrôles à la limite administrative entre le Kosovo et la Serbie, où de nouvelles tensions sont apparues. Des accrochages ont eu lieu ces derniers jours entre militants albanais et policiers serbes dans la région de Bujanovac (sud de la Serbie). Jeudi, des Albanais armés bloquaient la principale route menant de Bujanovac au Kosovo, selon les autorités de Belgrade. Quelques centaines de Serbes bloquaient parallèlement l’axe routier menant de Nis vers la Macédoine, selon une radio locale.

Ces violences au Kosovo et dans le sud de la Serbie alourdissent l’atmosphère déjà tendue dans laquelle s’est ouvert, vendredi 24 novembre, le sommet réunissant les dirigeants des quinze pays de l’Union européenne et ceux des cinq États des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie, Croatie, Macédoine, Yougoslavie). Cette rencontre, due à une initiative de la présidence française de l’Union, est censée marquer symboliquement le début d’une ère nouvelle vers la démocratisation et la réglementation des conflits dans cette région ainsi que le lancement d’un processus de rapprochement au terme duquel ces pays sont appelés à intégrer l’Union. Tous les participants pressentis sont finalement venus à Zagreb mais cela ne s’est pas passé sans mal.

La préparation de cette manifestation a été jusqu’au bout des plus laborieuses. Jeudi à la mi-journée, on n’était pas encore certain que le président yougoslave Vojislav Kostunica accepterait d’y participer. La veille, il avait adressé à Jacques Chirac une lettre dans laquelle il exprimait ses craintes que le sommet de Zagreb ne se transforme pour lui en une sorte de traquenard et se disait tenté de renoncer. Invité-vedette de ce sommet aux yeux des Européens, M. Kostunica est pour la plupart des dirigeants de la région le représentant du pays responsable des drames qu’ils ont connus ces dix dernières années et avec lequel les contentieux et les conflits sont encore multiples.

La presse et les dirigeants croates ont rappelé, ces dernières semaines, que la Serbie a été pour eux l’agresseur et qu’elle leur doit des comptes. Outre les interpellations des Croates, M. Kostunica pouvait aussi redouter celles des Monténégrins dont le président, Milo Djukanovic, réclamait d’être traité à Zagreb sur un pied d’égalité avec les autres chefs d’État. La France, organisatrice du sommet, a invité M. Djukanovic, mais en lui demandant de faire partie de la délégation yougoslave. « Nous n’allions pas décréter l’indépendance du Monténégro en lui donnant une place pleine à la table de conférence. Il fait encore partie de la Yougoslavie », explique-t-on côté français.

Il a fallu déployer d’énormes efforts diplomatiques pour que tous acceptent, de plus ou moins bon gré, de se plier à l’exercice. Avant l’ouverture de la réunion, Jacques Chirac a eu un entretien avec le président croate Stipe Mesic qui devait coprésider avec lui les débats, sans doute pour l’inviter à la modération verbale. Les deux présidents devaient ensuite accueillir de concert M. Kostunica et tenter de lui prodiguer quelques assurances.


Zagreb multiplie les gestes positifs envers le TPIY

ZAGREB de notre envoyé spécial

Pendant des années, sous le président Tudjman, le dossier a empoisonné les relations de la Croatie avec la communauté internationale. Le nouveau pouvoir en place à Zagreb met un point d’honneur à coopérer avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), au risque de froisser l’opinion publique , alors qu’une rumeur insistante annonce l’inculpation possible de plusieurs officiers croates par La Haye.

Depuis le décès de Franjo Tudjman, il y a près d’un an, et l’effondrement de son parti, la Communauté démocratique croate (HDZ), les nuages accumulés entre Zagreb et La Haye se dissipent. C’était l’une des conditions pour le retour de la Croatie au sein de la communauté internationale. Zagreb a donc multiplié les gestes. Le 13 avril, le Parlement a ratifié l’accord de coopération avec le TPIY , qui souligne la nécessité de condamner individuellement les auteurs de crimes de guerre. Franjo Tudjman s’y était toujours refusé.

Autre signe de bonne volonté, la Croatie a mis un terme au feuilleton « Tuta », surnom donné à Mladen Naletilic, que Franjo Tudjman refusait d’extrader depuis des mois. Finalement, cet ancien chef paramilitaire du « bataillon des condamnés » et mafieux notoire a été livré le 21 mars au TPIY. Il est dans l’attente de son jugement.

Le gouvernement et le président Stipe Mesic rappellent qu’il est dans l’intérêt de leur pays de collaborer avec le TPIY. « Nous avons intérêt à ce que les accusations soient individualisées pour mettre un terme aux mises en cause collectives, condition sine qua non pour stabiliser la région », explique le président croate. Signe de sa détermination, Stipe Mesic n’a pas hésité à mettre à la retraite sept généraux d’active coupables d’avoir publié, le 28 septembre, une lettre ouverte dans laquelle ils regrettaient « la criminalisation de la volonté du peuple croate de se défendre contre l’agression et l’occupation serbes ».

Sentiment d’injustice

Cette protestation arrivait en réponse aux articles de presse et rumeurs annonçant les inculpations de plusieurs généraux croates pour des crimes commis sur le territoire national. Le TPIY préparerait en effet une nouvelle vague d’inculpations, la première depuis celles, le 27  mai 1999, de Slobodan Milosevic et de quatre autres responsables serbes pour des crimes au Kosovo. A ce jour, aucun militaire croate de Croatie (par opposition aux Croates de Bosnie) ne figure sur la liste des 96 personnes inculpées par le TPIY depuis sa création le 25 mai 1993. Mais trois noms de généraux reviennent dans la presse.

Le sujet n’est guère populaire en Croatie - surtout au sein de l’armée - et dans les associations d’anciens combattants proches du HDZ. « Je me porte garant de mes officiers : aucun n’a reçu d’ordre contraire aux usages de la guerre », se défend le général Janko Bobetko, figure historique de l’armée croate et signataire de la lettre ouverte. « On ne peut pas mettre la Serbie et la Croatie sur le même plan. »

Les Croates ne contestent pas la nécessité de juger les responsables de crimes de guerre, mais ils sont saisis par un sentiment d’injustice. « Seulement quatre Serbes ont été inculpés par le TPIY : trois pour le massacre de blessés dans l’hôpital de Vukovar et un pour le bombardement de Zagreb. Ils sont libres, en Serbie. Nous aimerions donc que le TPIY ait une approche équilibrée et tienne davantage compte de la gravité des crimes commis, des niveaux de responsabilité et du timing », remarque un responsable gouvernemental. Les autorités croates ont donc appelé les nouveaux responsables serbes à remplir leurs obligations vis-à-vis du TPIY , mais ils déplorent le manque de pressions internationales sur Belgrade à ce sujet.

C. Ct.


26/11/2000

L’UE exerce son pouvoir d’attraction sur les pays de la région

Par Christophe Châtelot et Claire Tréan, envoyés spéciaux à Zagreb

L’Union européenne exerce sur les nouveaux dirigeants des pays balkaniques un pouvoir d’attraction qu’on a pu mesurer, vendredi 24 novembre, à Zagreb, où étaient réunis les quinze chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union et leurs homologues de cinq de ces pays. Contrairement à ce que l’on avait redouté, aucun incident ne s’est produit pendant la réunion et, si des désaccords ont été évoqués, ce fut sans agressivité, par des discours mesurés dans lesquels dominait l’aspiration commune à se rapprocher de l’Union. Les Quinze ont, de leur côté, énoncé les obligations qui s’imposent aux pays balkaniques : respect de la démocratie et des droits de l’homme, et développement entre eux d’une coopération régionale qui doit se traduire à la fois par le règlement de leurs contentieux, la pratique du libre-échange et la collaboration dans la lutte contre les trafics et les mafias. Ils ont d’autre part évoqué un programme d’aide de près de 5 milliards d’euros pour les cinq ans à venir.

Dans la conférence de presse finale, Jacques Chirac a rapporté les propos tenus par le nouveau président bosniaque, selon lequel « ce qui compte, c’est ce que veulent les jeunes : et les jeunes ne veulent plus assumer les querelles des vieux ». Si l’on songe aux conférences internationales du début des années 90, au cours desquelles l’Europe lançait aux précédents dirigeants des pays balkaniques des appels à la raison aussi pitoyables que vains, le sommet de Zagreb donnait effectivement l’impression que l’on avait changé d’époque.

Bernard Kouchner, chef de la mission de l’ONU au Kosovo, s’est chargé de rappeler que tout n’est pas réglé, particulièrement dans la province dont il a la charge : « N’allons pas trop vite et conservons la mémoire », a lancé aux Européens le chef de la Minuk, en les mettant en garde contre « le climat d’optimisme et parfois même d’euphorie » qui règne parmi eux depuis la chute de Slobodan Milosevic. « Il est de ma responsabilité de vous alerter sur les dangers qui nous attendent et que nous risquerions de négliger à force d’optimisme », a-t-il dit.

Conflits non réglés

Les Albanais du Kosovo éprouvent une crainte « de devenir les nouveaux oubliés de l’Histoire » et « sont fermement déterminés à ne jamais revenir aux douloureuses subordinations antérieures », a encore dit M. Kouchner. Il n’en déduit pas qu’ils doivent accéder dès maintenant à l’indépendance, au contraire : l’heure n’est pas venue de décider du statut final de la province. Mais Bernard Kouchner appelle de façon pressante l’Europe à mettre en oeuvre intégralement la résolution 1244 de l’ONU, c’est-à-dire à laisser les Kosovars se construire une véritable autonomie et à protéger cette autonomie aussi longtemps qu’il le faudra.

Le Kosovo n’est pas le seul des conflits non réglés dans la région qui, pour la plupart, impliquent Belgrade. Le chef de l’Etat yougoslave, Vojislav Kostunica, n’a cependant pas été directement pris à partie à Zagreb. Le président monténégrin a évoqué en termes mesurés la façon dont il voit l’avenir proche : soit il parvient à un accord avec M. Kostunica sur une redéfinition des liens qui unissent le Monténégro à la Serbie, et un référendum sera organisé dans les deux entités ; soit il n’y parvient pas, et il appellera les Monténégrins à se prononcer seuls sur le statut qu’ils souhaitent.

Tous les intervenants, sauf un, ont parlé de l’obligation de coopérer avec le Tribunal pénal international (TPIY) de La Haye. Jacques Chirac l’a fait avec une certaine insistance. « Les crimes qui ont été commis l’ont été par des régimes d’un autre âge contre la liberté et les droits de l’homme auxquels sont attachés tous les peuples. C’est pourquoi il est de l’intérêt de tous que ces crimes soient jugés et punis », a notamment déclaré le président de la République. Tous lui ont fait écho : sauf Vojislav Kostunica...

  RECHERCHER
 
  Approfondir

  ZOOM SUR
  LE SOMMET DE ZAGREB  
   
  Présentation du Sommet  
  Déclaration finale  
  Intervention du président Stjepan Mesic  
  Intervention du président Jacques Chirac  
  Le Processus de Stabilisation et d’Association (PSA)  
  Aide de l’UE aux pays concernés par le PSA

 
  REVUE DE PRESSE
 
Entretien du président Mesic avec Le Monde
 
  Entretien télévisé du président Chirac avec HRT  
  Le Monde  
  Le Figaro  
  Libération  
  La Croix  
  La Tribune  
  Les Echos  
  Le Nouvel Observateur  
  L’Express  
  Agences de presse  
  TF1  
  France 2  
  RFI  
  France info  
 

 LA CROATIE | ACTUALITÉS | VIE CULTURELLE | L’AMBASSADE | ACCUEIL 

 Haut de page | Plan du site | Nous contacter