LE SOMMET
DE ZAGREB : REVUE DE PRESSE FRANÇAISE
Les Echos
24/11/2000
Sommet de Zagreb : l'Union
européenne tend la main aux Balkans
L'Union
européenne va tendre aujourd'hui, symboliquement, la main aux pays des Balkans,
lors du sommet de Zagreb, présidé par Jacques Chirac, accompagné pour l'occasion
par Hubert Védrine. Le premier sommet d'une Europe réconciliée avec elle-même:
depuis la chute de Milosevic – et à l'exception de la Biélorussie –, elle est
désormais constituée entièrement de démocraties. Six pays des Balkans (1)
ont été invités, dont la Yougoslavie, qui marque ainsi son retour dans la famille
occidentale au lendemain de sa réadmission au Conseil de l'Europe, la Croatie,
la Macédoine, et la Slovénie représentée uniquement par un ministre (pour signifier
qu'elle ne se sent pas appartenir à la zone balkanique).
L'objectif
de ce sommet d'une journée, dont l'idée avait été lancée en juillet par la France,
qui préside l'union est de promouvoir la démocratie et la coopération dans une
région déchirée pendant dix ans par les guerres yougoslaves. Jacques Chirac a
ainsi déclaré avant-hier à la télévision croate que, « à un certain terme »
chacun des pays de la région pourra adhérer individuellement à l'Union européenne.
Il s'agit aussi de « renforcer la cohérence de l'action de l'Union européenne
dans la région, donner une direction claire à ces pays et y encourager
les évolutions démocratiques », a ajouté hier le porte-parole de l'Elysée.
Coût
astronomique
Le sommet
va donc donner aux pays issus de l'éclatement de la Yougoslavie le statut de candidats
potentiels à l'entrée dans l'Union, mis à part la Slovénie qui caracole déjà en
tête des douze pays officiellement candidats. L'Union insistera sur le rôle moteur,
notamment financier, qu'elle est disposée à jouer pour les aider. Le Pacte de
stabilité des Balkans, lancé l'an dernier, a déjà permis de réunir 1 milliard
d'euros pour' financer près de 34 projets de construction d'infrastructures qui,
une fois n'est pas coutume, auront une dimension régionale. En clair, l'Union
est prête à mettre là main au portefeuille, à condition que les pays concernés
apprennent à travailler ensemble. Les pays des Balkans devront donc respecter
les droits des minorités, régler la question des réfugiés et respecter leurs obligations
internationales, autrement dit collaborer avec le tribunal pénal international
(TPI). La question est délicate. Certes, la Croatie commence à livrer certains
de ses criminels de guerre après avoir refusé de travailler avec le TPI. En revanche,
en Yougoslavie, le nouveau président, Vojislav Kostunica, estime toujours que
le TPI est une « horreur », même s'il a accepté récemment
l'ouverture d'une antenne de ce tribunal à Belgrade et qu'il estime désormais
que la Serbie ne peut pas continuer à croire qu'elle n'a commis aucun crime ces
dix dernières années. Au-delà du coût astronomique de la reconstruction de la
région, refermer les plaies du passé ne sera pas aisé, comme l'illustre l'attentat
qui a coûté la vie, mercredi encore, à quatre policiers serbes près du Kosovo.
Y. B.
(1) Croatie, Bosnie, Macédoine, Albanie, Monténégro et RFY.
27/11/2000
L'Union européenne propose
une intégration personnalisée aux pays des Balkans
L'Albanie,
la Croatie, la Bosnie, la Macédoine et surtout la Yougoslavie ont reçu vendredi,
lors du sommet de Zagreb, leurs « feuilles de route » pour l'intégration dans
l'Union européenne
De notre
envoyé spécial à Zagreb
Accords
de pré-adhésion, d'association, de stabilisation, groupe de pilotage... L'Union
européenne ne manque pas de d'imagination ni de nuances technocratiques pour encourager
les pays des Balkans à la rejoindre. Elle en a encore fait preuve vendredi, à
Zagreb, en distribuant des sortes de « feuilles de route » pour l'adhésion, qui
prévoient les réformes à opérer et les aides commerciales prévues pour les encourager.
L'objectif est d'inciter les pays des Balkans reconnus en juin dernier, à Feira,
comme candidats potentiels à l'Union – la Croatie, la Bosnie, la Macédoine, l'Albanie
et, depuis peu, la Yougoslavie ‑ à devenir pleinement démocratiques,
à coopérer avec les instances internationales (le Tribunal pénal international
chargé de juger les criminels des 4 guerres de Yougoslavie) et, surtout, à s'associer
entre voisins, puisque le credo officiel est que le commerce et l'investissement
font reculer le nationalisme. Chacun devra donner des gages pour assumer son destin
européen.
9,65 milliards d'euros
pour les Balkans
Procédures simplifiées.
L'intégration des Balkans se fera donc selon un processus individualisé. Bruxelles,
qui a déjà dépensé 5 milliards d'euros depuis 1992 pour aider à la reconstruction
de la région, distribuera aides, expertises et débouchés commerciaux selon des
procédures simplifiées. Pour améliorer l'efficacité de l'aide, les Quinze ont
décidé de lancer très vite un programme unique en faveur des Balkans, intitulé
Gards (assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la
stabilisation) doté d'un montant de 4,65 milliards d'euros sur la période 2000-2006.
L'Union étendra aux pays concernés des préférences commerciales asymétriques :
il s'agit d'un abaissement unilatéral des droits de douane européens. Une mesure
en apparence très généreuse... à condition que les exportateurs balkaniques soient
en mesure de saisir l'opportunité.
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Les Quinze
ont donc signé un accord d'association avec la Macédoine, seul pays à avoir quitté
la Yougoslavie sans avoir tiré un coup de feu. Ils ont ouvert des négociations
pour un accord similaire avec la Croatie, ce que Zagreb attendait avec impatience
depuis la chute du régime dictatorial de Franjo Tudjman, en janvier. L'Union a
aussi établi un « groupe de pilotage à haut niveau » pour préparer d'ici à l'été
un rapport débouchant sur l'ouverture de négociations avec l'Albanie en vue d'un
accord d'association... Bruxelles se montre prudente vis-à-vis d'un pays qui était
encore plongé dans le chaos en 1998. Même circonspection vis-à-vis de la Bosnie,
en proie à de vieux démons, comme le montre la forte poussée nationaliste aux
récentes élections législatives et où l'aide internationale a également tendance
à « s'évaporer ». Enfin, il sera simplement procédé l'été prochain à une « étude
de faisabilité » sur l'intégration de la Bosnie.
« Construire
la paix... »
En revanche,
les choses vont vite pour la Yougoslavie. Six semaines après la chute de Milosevic
(qui tentera un retour à l'occasion des prochaines législatives) et bien que le
nouveau président, Vojislav Kostunica, n'ait pas encore « nettoyé » l'administration
ni libéré tous les prisonniers politiques, la Serbie a gagné le statut de candidat
potentiel à l'Union, et a vu s'ouvrir, vendredi, la perspective de négociations
en vue d'un accord d'association. Une promptitude justifiée, puisque le pays est
crucial pour la stabilité de la région : n'a-t-il pas été impliqué dans tous les
confits qui ont ensanglanté les Balkans depuis la chute du mur de Berlin ? Et
toutes les voies de communications stratégiques de la région (Danube, autoroutes,
chemin de fer) ne traversent-elles pas son territoire ? Mais cet empressement
a suscité quelque amertume chez les Croates : une poignée d'anciens combattants
ont protesté contre la venue de Vojislav Kostunica à Zagreb, et contre la mainmise
des Occidentaux sur leur pays. Tandis que Romano Prodi, le président de la Commission
européenne, affirmait, « nous avons aujourd'hui les meilleures chances en une
génération de construire la paix », les centaines de journalistes qui avaient
accompagné les 21 chefs d'État guettaient une poignée de main entre Vojislav Kostunica,
qui hésitait encore, jeudi, à venir de peur d' être en position d'accusé, et Stipe
Mesic, le président croate. Beau joueur, ce dernier a précisé : « La Yougoslavie
ne peut pas rester sur la touche » du grand mouvement de reconstruction de
la région.
Avancer
chacun « à son rythme »
Puisque
la France préside l'Union ce semestre et qu'en outre Paris avait eu l'idée de
ce sommet dès le printemps dernier, à une époque où Slobodan Milosevic était encore
le dernier dictateur de la zone, il revenait à Jacques Chirac de préciser que
chacun des pays de la région doit œuvrer à la réconciliation générale. C'est-à-dire
régler rapidement les questions « des frontières, des réfugiés et de minorités
» et coopérer avec le TPI, mais aussi avancer « à son rythme » en matière
de réformes économiques pour se rapprocher de l'Europe.
Yves Bourdillon
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