LE SOMMET
DE ZAGREB : REVUE DE PRESSE FRANÇAISE
Le Monde
24/11/2000
Les
Quinze promettent aux pays des Balkans un avenir dans lUnion
Un
sommet réunit vendredi à Zagreb les dirigeants européens
et ceux de cinq pays balkaniques qui ont connu depuis dix ans linstabilité
et la guerre. Malgré le changement de régime à Belgrade,
les États voisins de la Yougoslavie nabordent pas cette rencontre
comme celle des « retrouvailles ».
Pour la
première fois, les dirigeants des quinze États membres de lUnion
européenne vont rencontrer ensemble, vendredi 24 novembre à Zagreb,
leurs homologues des pays balkaniques. La réunion sera brève
moins dune journée et débouchera sur une déclaration
commune à laquelle tous les chefs des délégations ont déjà
souscrit. Cest dire quil ne faut pas sattendre que soit traité
à Zagreb aucun des multiples contentieux qui hypothèquent encore
lavenir de cette région. Dans lentourage de Jacques Chirac
doù est partie linitiative de cette rencontre, on souligne
que tel nest pas le projet : il nest pas question de régler
tous les problèmes en un jour ; il sagit de confirmer solennellement
aux pays balkaniques que « lintégration dans lUnion
européenne est au bout du chemin et de leur dire très clairement
ce que nous sommes prêts à faire pour les aider et ce que nous attendons
deux ».
Les Quinze
veulent favoriser la dynamique vertueuse que peut engendrer, comme ce fut le cas
dans lEurope centrale et orientale, la perspective dappartenir un
jour à lUnion européenne. Cest la première fois
que cette perspective est proposée globalement à tous les pays du
Sud-Est européen, sans que lesprit bute sur le « trou noir
» que constituait jusquen septembre dernier la Serbie de Milosevic.
Linitiative
de ce sommet, à lorigine, navait rencontré denthousiasme
ni chez les Quinze ni au Quai dOrsay. Les événements de lautomne
à Belgrade semblent avoir depuis fouetté les ardeurs. Tony Blair,
qui sétait dabord dit empêché, a finalement décidé
de participer ; Hubert Védrine sest converti et parle aujourdhui
de cette rencontre comme du « sommet des retrouvailles démocratiques
».
Lexpression
nest guère adaptée. Dabord parce quil ny
a pas de passé idyllique avec lequel renouer ; ensuite parce que plusieurs
des pays balkaniques invités sont encore assez loin davoir ancré
chez eux la démocratie de façon stable ; enfin parce que les
voisins de la Serbie, même sils se félicitent de la chute de
Milosevic, sont assez peu disposés à célébrer des
« retrouvailles » avec Belgrade.
A Zagreb,
les Quinze vont demander de façon pressante aux États balkaniques
de développer entre eux une « coopération régionale
», cest-à-dire des relations de bon voisinage. Autrement
dit : entendez-vous entre vous et vous accélérez vos chances dadhérer
au club européen. Même si elle est logique, cette recommandation
est de nature à irriter tous ceux qui ont eu et ont encore des démêlés
avec la Serbie.
Le chef
de lÉtat croate, Stipe Mesic, qui coprésidera le sommet avec
Jacques Chirac, ne se prive pas dexprimer la méfiance que lui inspire
toute approche régionale des Balkans qui imposerait de nouveau à
son pays une communauté de destin dont il ne veut pas avec la Serbie. «
Oui à la coopération régionale, non au déterminisme
régional », déclarait récemment, lui aussi, le
premier ministre croate Ivica Racan, exprimant la même crainte que la marche
de son pays vers lUnion européenne ne se voie freinée en raison
des lenteurs de certains de ses voisins. A cela, lUnion européenne
répond quelle est prête à négocier avec chacun
des pays concernés des « accords de stabilisation et dassociation
» qui tiennent compte du rythme de progression propre de chacun.
Les dirigeants
croates nont pas caché non plus, ces dernières semaines, quils
trouvent lEurope trop laxiste vis-à-vis des nouvelles autorités
yougoslaves et queux en exigent davantage. Stipe Mesic a ainsi souligné
à plusieurs reprises que la normalisation des relations bilatérales
suppose de la part de la Yougoslavie le paiement de dommages de guerre, une mise
au point claire sur les minorités serbes vivant au-delà de ses frontières
et le transfert des criminels de guerre au tribunal de La Haye ; « Nous
ne pourrons pas parler de relations normales avec Belgrade tant que les responsables
des bains de sang de Vukovar et de Srebrenica se promèneront librement
en Serbie », a-t-il dit.
Les dirigeants
bosniaques pourraient dire la même chose avec encore plus de force et damertume.
Milo Djukanovic, président du Monténégro petite république
de Yougoslavie qui souhaite sémanciper de Belgrade , sil
décide finalement de venir à Zagreb, ne cachera pas sa mauvaise
humeur. Après lavoir soutenu au temps où il tenait tête
à Milosevic, les Européens le lâchent, le prient de ravaler
ses velléités indépendantistes et linvitent à
participer au sommet au sein de la délégation que dirige Vojislav
Kostunica. Quant aux Kosovars, ils ne seront pas là, puisque le Kosovo
nexiste pas comme État.
Nombreux
contentieux
On sera
donc assez loin de la fête de famille balkanique au sommet de Zagreb, même
si le président yougoslave vient y témoigner de ses bonnes intentions.
Dautre
part, lUnion européenne nest pas complètement dans son
rôle si elle se contente de présenter à ces pays le même
schéma quautrefois aux pays dEurope centrale, fût-il
accompagné dun programme daide économique conséquent.
Elle est, avec dautres, directement engagée dans cette région
et devrait donc se poser comme partie prenante au règlement des nombreux
contentieux qui subsistent. Mais elle ne le fera pas à Zagreb.
La déclaration
finale du sommet rappelle certes les obligations internationales auxquelles sont
tenus tous les pays des Balkans, mais sans aller au-delà dune énumération
de principes qui ne met personne directement en cause. Or la stabilisation de
la région, et encore plus la réconciliation, dépendent pour
beaucoup de lattitude de Belgrade. Cela va de problèmes immédiats
comme le sort des Kosovars disparus ou détenus en Serbie, jusquaux
difficiles questions du statut du Kosovo ou de lindispensable refonte des
accords de Dayton si lon veut faire de la Bosnie un pays viable, en passant
par le jugement des principaux responsables de crimes internationaux et par bien
dautres questions en suspens.
Les dirigeants
de lUnion qui, à la différence des Américains,
semblent tout miser sur Vojislav Kostunica veulent lui laisser du temps
pour consolider son pouvoir. Cest réaliste, même si cela nimplique
pas linhibition actuelle des Européens. Ils risquent de se trouver
à Zagreb dans une position paradoxale : dun côté appelant
tous les pays de la région à accélérer le règlement
de leurs différends pour rejoindre plus vite lUnion, et de lautre
côté freinant des quatre fers sur tous les sujets sensibles pour
épargner à M. Kostunica des discussions inconfortables.
Claire
Tréan
La
Croatie de laprès-Tudjman a rompu son isolement, mais reste confrontée
à la crise économique
ZAGREB
de notre envoyé spécial
Lannonce
du sommet réunissant lUnion européenne et les pays des Balkans
est projetée en lettres lumineuses sur le parvis de léglise
Saint-Marc de Zagreb. Un enfant simule une sorte de marelle en sautant détoile
en étoile européenne à deux pas de luxueuses berlines garées
devant les façades ravalées du gouvernement et du Parlement, sous
le regard perdu dun homme assis sur le trottoir. Sa pancarte résume
ses dernières années de galère : « Sans
travail, sans domicile, sans argent ».
Si les
autorités peuvent se féliciter daccueillir ce sommet qui symbolise
le retour de la Croatie sur la scène diplomatique internationale depuis
lalternance démocratique du début de lannée,
elles peuvent difficilement masquer la crise économique. « Nous
vivons dans un pays développé qui sappauvrit »,
dénonce Zvonimir Baletic, chercheur à lInstitut déconomie
de Zagreb. « La population est de plus en plus frustrée parce
quelle cherche désespérément les signes dune
amélioration de sa situation. Mais depuis sept ans, les différents
gouvernements conduisent tous la même politique catastrophique »,
se lamente cet ancien ministre sans portefeuille de Franjo Tudjman en 1992. Plusieurs
syndicats ont dailleurs appelé à manifester durant le sommet
de Zagreb pour dénoncer la dégradation des conditions de vie.
« Progrès
démocratiques »
Larrivée
au pouvoir, en décembre 1999, dune coalition dominée
par les sociaux-démocrates du premier ministre Ivica Racan avait sans doute
fait naître dans lesprit des Croates un espoir peut-être disproportionné
après la décennie Tudjman, décédé le 10 décembre
1999, et la mainmise de sa formation (la Communauté démocratique
de Croatie, HDZ) sur les affaires. Le changement de régime a permis de
tourner une page, de rompre avec lisolement international et doublier
latmosphère pesante, résumée par lexpression
en vigueur à lépoque de « ni guerre ni paix ».
En septembre, le Conseil de lEurope a dailleurs salué les « progrès
démocratiques » de la Croatie au cours des mois précédents.
Les années
de pouvoir du « père de la nation » navaient
pas seulement étémarquées par les guerres contre la Serbie
et en Bosnie-Herzégovine. Elles avaient également vu léconomie
locale seffondrer sous le coup du conflit et des réformes inachevées
ou malfaisantes. Les destructions liées aux combats, le financement de
larmée et lexplosion du marché yougoslave auraient ainsi
coûté, selon M. Baletic, quelque « 30 milliards
de dollars à la Croatie, de 1991 à la signature des accords de Dayton »
en novembre 1995, qui mirent fin au conflit bosniaque.
A sa décharge,
le nouveau gouvernement doit donc gérer le lourd héritage du régime
précédent. « Au début des années
90, nous estimions que notre structure économique, tournée vers
les services et lindustrie légère, dotait la Croatie de plus
datouts que nen avait la Slovénie », remarque
M. Baletic. Dix ans plus tard, le PIB croate par habitant atteint péniblement
30 % de la moyenne dans lUnion européenne. La Slovénie
a, quant à elle, rattrapé le Portugal et la Grèce.
Au terme
dune politique suicidaire qui, depuis des années, surévalue
la monnaie nationale, la Croatie a en effet perdu ses débouchés
commerciaux extérieurs (le déficit commercial atteignait 3 milliards
de dollars en 1999) et les magasins croates regorgent de produits importés,
moins chers que la production locale. Le secteur industriel a également
eu à pâtir de privatisations menées à la hussarde par
le précédent régime au profit de ses amis. Depuis la mort
de Tudjman et leffondrement du HDZ, plusieurs dentre eux, à
limage de Miroslav Kutle, prévaricateur ostentatoire sous le précédent
régime, croupissent dailleurs en prison. Il reste que les entreprises
croates qui nont pas fait faillite tournent au ralenti et ne semblent
guère intéresser les investisseurs étrangers, à lexception
de certains secteurs (assurance, banque, tourisme, distribution dénergie,
télécommunications). Selon les chiffres officiels, un « actif »
sur quatre est ainsi au chômage et 150 000 jeunes diplômés
ont, depuis dix ans, quitté un pays de 4,8 millions dhabitants
dans lequel ils nentrevoient guère lavenir.
Paix
sociale
Au regard
de ces statistiques, il nest donc pas surprenant que le pouvoir renâcle
à restructurer le secteur public, ce qui est synonyme de nouveaux licenciements.
« La radio-télévision dÉtat (HRT)
emploie environ 4 700 personnes. La moitié
seulement est nécessaire mais le gouvernement ne veut pas entendre parler
de plan social », affirme Mirko Galic, président de la HRT.
Mais les spécialistes jugent quil sacrifie lefficacité
économique à moyen terme pour gagner quelques mois de paix sociale.
« Résultat, la plupart des entre-prises tournent à
perte et le pays senfonce dans la pauvreté », ajoute
M. Baletic.
Aux affaires
depuis onze mois seulement, le nouveau gouvernement tente donc de colmater les
brèches mais sa marge de manoeuvre est étroite. La coalition de
six partis emmenée par le Parti social-démocrate (SDP) et le Parti
libéral-social (HSLS) de Drazen Budisa a trouvé des caisses pratiquement
vides et un très lourd endettement, équivalent à près
de la moitié du PIB. Parallèlement, le Fonds monétaire international
(FMI) astreint le pays à la rigueur financière et incite aux coupes
sombres dans les dépenses sociales héritées de la Yougoslavie
socialiste et le train de vie de lÉtat.
Doù
lespoir des dirigeants croates dobtenir enfin une aide financière
substantielle de létranger et en premier lieu de lUnion européenne.
Ils voient ainsi dun bon oeil louverture, vendredi 24 novembre,
en marge du sommet de Zagreb, des négociations avec lUE pour la signature
dun accord dassociation et de stabilisation. Cet événement
illustre lun des acquis indéniables des nouvelles autorités :
la réintégration de la Croatie dans les structures internationales
après sa mise au ban des nations à la fin de lère Tudjman,
en raison de la tournure autoritaire et corrompue du régime et de son manque
de coopération avec le Tribunal pénal international. « Depuis
les dernières élections, résumait récemment le
militant pour les droits de lhomme Zoran Pusic, on respire plus facilement.
Mais la vie quotidienne est toujours aussi difficile ».
Christophe
Châtelot
25/11/2000
Le
sommet des Balkans souvre sur fond de regain de violence au Kosovo
A
loccasion de la venue à Zagreb du président yougoslave, Vojislav
Kostunica, le chef de lÉtat croate, Stipe Mesic, appelle les dirigeants
serbes à reconnaître les responsabilités de leur pays dans
le déclenchement des guerres qui ont déchiré la région
pendant dix ans.
ZAGREB,
de notre envoyée spéciale Claire Tréan
Au Kosovo,
lun des proches conseillers du chef albanais modéré Ibrahim
Rugova a été assassiné par balles, jeudi 23 novembre. Xhemajl
Mustafa était lun des fondateurs de la Ligue démocratique
du Kosovo (LDK), le principal parti politique de la province. Son meurtre a été
qualifié d« acte méprisable et lâche »
par un porte-parole de la Mission de lONU. La veille, une bombe avait explosé
au domicile dun représentant de Belgrade à Pristina, faisant
un mort. La Force multinationale déployée dans la province (KFOR)
a par ailleurs renforcé jeudi ses contrôles à la limite administrative
entre le Kosovo et la Serbie, où de nouvelles tensions sont apparues. Des
accrochages ont eu lieu ces derniers jours entre militants albanais et policiers
serbes dans la région de Bujanovac (sud de la Serbie). Jeudi, des Albanais
armés bloquaient la principale route menant de Bujanovac au Kosovo, selon
les autorités de Belgrade. Quelques centaines de Serbes bloquaient parallèlement
laxe routier menant de Nis vers la Macédoine, selon une radio locale.
Ces violences
au Kosovo et dans le sud de la Serbie alourdissent latmosphère déjà
tendue dans laquelle sest ouvert, vendredi 24 novembre, le sommet réunissant
les dirigeants des quinze pays de lUnion européenne et ceux des cinq
États des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie, Croatie, Macédoine,
Yougoslavie). Cette rencontre, due à une initiative de la présidence
française de lUnion, est censée marquer symboliquement le
début dune ère nouvelle vers la démocratisation et
la réglementation des conflits dans cette région ainsi que le lancement
dun processus de rapprochement au terme duquel ces pays sont appelés
à intégrer lUnion. Tous les participants pressentis sont finalement
venus à Zagreb mais cela ne sest pas passé sans mal.
La préparation
de cette manifestation a été jusquau bout des plus laborieuses.
Jeudi à la mi-journée, on nétait pas encore certain
que le président yougoslave Vojislav Kostunica accepterait dy participer.
La veille, il avait adressé à Jacques Chirac une lettre dans laquelle
il exprimait ses craintes que le sommet de Zagreb ne se transforme pour lui en
une sorte de traquenard et se disait tenté de renoncer. Invité-vedette
de ce sommet aux yeux des Européens, M. Kostunica est pour la plupart des
dirigeants de la région le représentant du pays responsable des
drames quils ont connus ces dix dernières années et avec lequel
les contentieux et les conflits sont encore multiples.
La presse
et les dirigeants croates ont rappelé, ces dernières semaines, que
la Serbie a été pour eux lagresseur et quelle leur doit
des comptes. Outre les interpellations des Croates, M. Kostunica pouvait aussi
redouter celles des Monténégrins dont le président, Milo
Djukanovic, réclamait dêtre traité à Zagreb sur
un pied dégalité avec les autres chefs dÉtat.
La France, organisatrice du sommet, a invité M. Djukanovic, mais en lui
demandant de faire partie de la délégation yougoslave. «
Nous nallions pas décréter lindépendance du Monténégro
en lui donnant une place pleine à la table de conférence. Il fait
encore partie de la Yougoslavie », explique-t-on côté français.
Il a fallu
déployer dénormes efforts diplomatiques pour que tous acceptent,
de plus ou moins bon gré, de se plier à lexercice. Avant louverture
de la réunion, Jacques Chirac a eu un entretien avec le président
croate Stipe Mesic qui devait coprésider avec lui les débats, sans
doute pour linviter à la modération verbale. Les deux présidents
devaient ensuite accueillir de concert M. Kostunica et tenter de lui prodiguer
quelques assurances.
Zagreb
multiplie les gestes positifs envers le TPIY
ZAGREB
de notre envoyé spécial
Pendant
des années, sous le président Tudjman, le dossier a empoisonné
les relations de la Croatie avec la communauté internationale. Le nouveau
pouvoir en place à Zagreb met un point dhonneur à coopérer
avec le Tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie (TPIY),
au risque de froisser lopinion publique , alors quune rumeur
insistante annonce linculpation possible de plusieurs officiers croates
par La Haye.
Depuis
le décès de Franjo Tudjman, il y a près dun an, et
leffondrement de son parti, la Communauté démocratique croate
(HDZ), les nuages accumulés entre Zagreb et La Haye se dissipent. Cétait
lune des conditions pour le retour de la Croatie au sein de la communauté
internationale. Zagreb a donc multiplié les gestes. Le 13 avril, le
Parlement a ratifié laccord de coopération avec le TPIY
, qui souligne la nécessité de condamner individuellement les
auteurs de crimes de guerre. Franjo Tudjman sy était toujours refusé.
Autre signe
de bonne volonté, la Croatie a mis un terme au feuilleton « Tuta »,
surnom donné à Mladen Naletilic, que Franjo Tudjman refusait dextrader
depuis des mois. Finalement, cet ancien chef paramilitaire du « bataillon
des condamnés » et mafieux notoire a été livré
le 21 mars au TPIY. Il est dans lattente de son jugement.
Le gouvernement
et le président Stipe Mesic rappellent quil est dans lintérêt
de leur pays de collaborer avec le TPIY. « Nous avons intérêt
à ce que les accusations soient individualisées pour mettre un terme
aux mises en cause collectives, condition sine qua non pour stabiliser la région »,
explique le président croate. Signe de sa détermination, Stipe Mesic
na pas hésité à mettre à la retraite sept généraux
dactive coupables davoir publié, le 28 septembre, une
lettre ouverte dans laquelle ils regrettaient « la criminalisation
de la volonté du peuple croate de se défendre contre lagression
et loccupation serbes ».
Sentiment
dinjustice
Cette protestation
arrivait en réponse aux articles de presse et rumeurs annonçant
les inculpations de plusieurs généraux croates pour des crimes commis
sur le territoire national. Le TPIY préparerait en effet une nouvelle vague
dinculpations, la première depuis celles, le 27 mai 1999,
de Slobodan Milosevic et de quatre autres responsables serbes pour des crimes
au Kosovo. A ce jour, aucun militaire croate de Croatie (par opposition aux Croates
de Bosnie) ne figure sur la liste des 96 personnes inculpées par le TPIY
depuis sa création le 25 mai 1993. Mais trois noms de généraux
reviennent dans la presse.
Le sujet
nest guère populaire en Croatie - surtout au sein de larmée -
et dans les associations danciens combattants proches du HDZ. « Je
me porte garant de mes officiers : aucun na reçu dordre
contraire aux usages de la guerre », se défend le général
Janko Bobetko, figure historique de larmée croate et signataire de
la lettre ouverte. « On ne peut pas mettre la Serbie et la Croatie
sur le même plan. »
Les Croates
ne contestent pas la nécessité de juger les responsables de crimes
de guerre, mais ils sont saisis par un sentiment dinjustice. « Seulement
quatre Serbes ont été inculpés par le TPIY :
trois pour le massacre de blessés dans lhôpital de Vukovar
et un pour le bombardement de Zagreb. Ils sont libres, en Serbie. Nous
aimerions donc que le TPIY ait une approche équilibrée et tienne
davantage compte de la gravité des crimes commis, des niveaux de responsabilité
et du timing », remarque un responsable gouvernemental. Les autorités
croates ont donc appelé les nouveaux responsables serbes à remplir
leurs obligations vis-à-vis du TPIY , mais ils déplorent
le manque de pressions internationales sur Belgrade à ce sujet.
C. Ct.
26/11/2000
LUE exerce son
pouvoir dattraction sur les pays de la région
Par Christophe
Châtelot et Claire Tréan, envoyés spéciaux à
Zagreb
LUnion
européenne exerce sur les nouveaux dirigeants des pays balkaniques un pouvoir
dattraction quon a pu mesurer, vendredi 24 novembre, à Zagreb,
où étaient réunis les quinze chefs dEtat et de gouvernement
de lUnion et leurs homologues de cinq de ces pays. Contrairement
à ce que lon avait redouté, aucun incident ne sest produit
pendant la réunion et, si des désaccords ont été évoqués,
ce fut sans agressivité, par des discours mesurés dans lesquels
dominait laspiration commune à se rapprocher de lUnion. Les
Quinze ont, de leur côté, énoncé les obligations qui
simposent aux pays balkaniques : respect de la démocratie et des
droits de lhomme, et développement entre eux dune coopération
régionale qui doit se traduire à la fois par le règlement
de leurs contentieux, la pratique du libre-échange et la collaboration
dans la lutte contre les trafics et les mafias. Ils ont dautre part évoqué
un programme daide de près de 5 milliards deuros pour les cinq
ans à venir.
Dans la
conférence de presse finale, Jacques Chirac a rapporté les propos
tenus par le nouveau président bosniaque, selon lequel « ce qui
compte, cest ce que veulent les jeunes : et les jeunes ne veulent plus assumer
les querelles des vieux ». Si lon songe aux conférences
internationales du début des années 90, au cours desquelles lEurope
lançait aux précédents dirigeants des pays balkaniques des
appels à la raison aussi pitoyables que vains, le sommet de Zagreb donnait
effectivement limpression que lon avait changé dépoque.
Bernard
Kouchner, chef de la mission de lONU au Kosovo, sest chargé
de rappeler que tout nest pas réglé, particulièrement
dans la province dont il a la charge : « Nallons pas trop vite
et conservons la mémoire », a lancé aux Européens
le chef de la Minuk, en les mettant en garde contre « le climat doptimisme
et parfois même deuphorie » qui règne parmi eux depuis
la chute de Slobodan Milosevic. « Il est de ma responsabilité
de vous alerter sur les dangers qui nous attendent et que nous risquerions de
négliger à force doptimisme », a-t-il dit.
Conflits
non réglés
Les Albanais
du Kosovo éprouvent une crainte « de devenir les nouveaux oubliés
de lHistoire » et « sont fermement déterminés
à ne jamais revenir aux douloureuses subordinations antérieures
», a encore dit M. Kouchner. Il nen déduit pas quils
doivent accéder dès maintenant à lindépendance,
au contraire : lheure nest pas venue de décider du statut final
de la province. Mais Bernard Kouchner appelle de façon pressante lEurope
à mettre en oeuvre intégralement la résolution 1244 de lONU,
cest-à-dire à laisser les Kosovars se construire une véritable
autonomie et à protéger cette autonomie aussi longtemps quil
le faudra.
Le Kosovo
nest pas le seul des conflits non réglés dans la région
qui, pour la plupart, impliquent Belgrade. Le chef de lEtat yougoslave,
Vojislav Kostunica, na cependant pas été directement pris
à partie à Zagreb. Le président monténégrin
a évoqué en termes mesurés la façon dont il voit lavenir
proche : soit il parvient à un accord avec M. Kostunica sur une redéfinition
des liens qui unissent le Monténégro à la Serbie, et un référendum
sera organisé dans les deux entités ; soit il ny parvient
pas, et il appellera les Monténégrins à se prononcer seuls
sur le statut quils souhaitent.
Tous les
intervenants, sauf un, ont parlé de lobligation de coopérer
avec le Tribunal pénal international (TPIY) de La Haye. Jacques Chirac
la fait avec une certaine insistance. « Les crimes qui ont été
commis lont été par des régimes dun autre âge
contre la liberté et les droits de lhomme auxquels sont attachés
tous les peuples. Cest pourquoi il est de lintérêt de
tous que ces crimes soient jugés et punis », a notamment déclaré
le président de la République. Tous lui ont fait écho : sauf
Vojislav Kostunica...
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