LE SOMMET
DE ZAGREB : REVUE DE PRESSE FRANÇAISE
La Croix
24/11/2000
L’Union combat le crime
dans les Balkans
Au
moment où l’Union européenne s’efforce d’aider massivement les Balkans de nombreux
experts s’inquiètent de l’importance des réseaux criminels dans cette région
Bruxelles,
de notre correspondant
Grand rendez-vous
médiatique, le Sommet Union européenne/Balkans qui doit se dérouler ce vendredi
à Zagreb donnera le coup d’envoi à un nouveau type de relations entre les Quinze
et les pays issus de l’ex-Yougoslavie. Leur vocation à l’adhésion, à une date
certes lointaine, fait désormais partie des scénarios d’avenir de la construction
d’une Grande Europe. Mais, l’arrivée des Balkans dans le giron européen, enjeu
politique majeur pour la stabilisation du sud-est du continent, n’en demeure pas
moins un casse-tête. Car cette région dévastée par la guerre est non seulement
un immense chantier de reconstruction mais aussi une zone de non-droit, source
et lieu de transit de tous les trafics.
Le niveau
du soutien économique – au delà des 200 millions d’euros (1,312 milliard francs)
d’aide d’urgence pour l’hiver à la Serbie-Monténégro – n’est toujours pas tranché
et oppose Commission, Parlement européen et conseil des ministres pour l’élaboration
du budget 2001. L’ambition de tous n’est cependant pas d’instaurer un régime d’assistanat
mais plutôt de créer les conditions d’un essor économique et social. C’est ainsi
qu’au regard des accords de libre-échange commerciaux, conclu avec les actuels
candidats à l’adhésion d’Europe de l’Est, les accords d’association et de stabilisation
offerts à la négociation aux pays balkaniques sont bien plus avantageux.
Ils prévoient
en effet des concessions agricoles, marquées par l’absence de toute axe à l’importation
en Europe, auxquelles même les pays en voie de développement liés à l’Uinion par
la convention Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP) n’ont pas droit. La justification
de cette entorse au cadre général des accords commerciaux européens est évidente :
le premier secteur économique susceptible de se redresser est l’agriculture, plus
que l’industrie ou les services. Mais la Commission de Bruxelles n’ignore pas
le risque pris en faisant ce cadeau. On pourrait voir les fruits et légumes albanais,
macédoniens ou serbes exportées abondamment tandis que Tirana, Skopje et Belgrade
continuerait de tendre la sébile pour obtenir une aide alimentaire. Un risque
d’autant plus important que des pans entiers de l’économie balkanique sont gangrenés
par des organisations criminelles.
Autre
préoccupation : les filières d’immigration clandestine
Les experts
policiers des Quinze se préoccupent en particulier du développement du trafic
de drogue dans la région. Venue d’Afghanistan, qui cultive désormais 75 %
de la production mondiale d’opium, la drogue transite par la Turquie, et de là
par la route dite « des Balkans ». Entre 80 et 90 % de l’héroïne
saisie en Europe ont transité par cet itinéraire. Une route, déjà ancienne, mais
qui s’est ramifiée et diversifiée au cours de dix ans de guerres et de bouleversements
géopolitiques.
Le Monténégro,
l’Albanie, la Bosnie sont devenus des points de stockage des autres stupéfiants,
comme la cocaïne d’Amérique du Sud. C’est par là aussi que passe, depuis l’Europe,
les précurseurs chimiques de drogue de synthèse fabriqués dans les laboratoires
turcs ou asiatiques puis réexpédiés. Europol considère que les organisation criminelles
albanaises se développent au point d’avoir supplanté les trafiquants turcs en
Suisse, Norvège et Suède. En Italie du Nord, les caïds albanais, usant d’une extrême
violence, ont supplanté la mafia italienne.
Autre préoccupation :
les filières d’immigration clandestine. Depuis l’été dernier, 40 000 à 50 000
Chinois, selon les observations concordantes de plusieurs services de police occidentaux,
attendent le passage à l’ouest en Serbie et en Bosnie, dans de véritables camps
de transit. Des bureaux spécialisés de passeurs illégaux ont été repérés à Belgrade
et à Sarajevo, mais aussi à Budapest en Hongrie, qui planifient cet exode impressionnant
vers le Royaume-Uni via Vienne et Bruxelles. Autant dire qu’en coulisse, à Zagreb,
les Quinze ne parleront pas seulement réconciliation et reconstruction mais aussi
coopération policière et lutte contre la criminalité organisée.
Yannick
Laude
24/11/2000
Les dirigeants des Balkans
se rencontrent
Le
sommet Union européenne-Balkans doit sceller, à Zagreb, en Croatie, la réconciliation
des nouveaux chefs d’État arrivés au pouvoir dans la région
Sur la
photo de famille du sommet Europe-Balkans, qui se déroule aujourd’hui à Zagreb
(Croatie), il n’y aura que des nouvelles têtes. Oubliés, le Bosniaque Alija Izetbegovic
(démissionnaire), le Croate Franjo Tudjman (décédé) ou le Serbe Slobodan Milosevic
(battu aux élections). Ces trois dirigeants, dont les noms restent associés aux
récentes guerres dans l’ex-Yougoslavie, ont tous quitté le pouvoir. Ils ont été
remplacés par une nouvelle génération que symbolisent surtout le Croate Stipe
Mesic et le Serbe Vojislav Kostunica.
Pour autant,
les problèmes de la région sont loin d’être règles. Néanmoins, pour la première
fois depuis longtemps, se dessine la perspective d’un apaisement des tensions
assorti d’un redémarrage économique. Cela valait bien un sommet.
À Zagreb,
Jacques Chirac, en tant que président en exercice de l’Union européenne, s’efforcera
d’offrir des perspectives à ces pays. « Nous voulons permettre de façon visible
et décisive la réconciliation entre Belgrade et ses voisins, alors qu’il subsiste
beaucoup de méfiance », explique un diplomate français de haut rang. En substance,
l’Union européenne s’efforcera de convaincre les pays des Balkans qu’ils ont vocation
à intégrer une Europe élargie, à condition de se réformer économiquement, de remplir
leurs obligations internationales (retour des réfugies en premier lieu) et de
coopérer davantage entre eux.
Les pays
de l’ex-Yougoslavie se verront proposer le statut de « candidats potentiels »
à l’Union européenne. Ce statut implique que ces pays ne sont pas encore en mesure
d’ouvrir des négociations d’adhésion, mais qu’ils pourront le faire « dès
qu’ils seront prêts ». Pour cheminer vers cette perspective, ils pourront
négocier individuellement des « accords de stabilisation et d’association »,
impliquant des aides particulières. « Les aides ne seront pas définies à
Zagreb : il ne s’agit pas d’un sommet Père Noël », avertit ce même diplomate.
La plupart
des sanctions contre la Yougoslavie ont été levées.
Parallèlement,
les Quinze mettront en place des « préférences commerciales » pour les
marchandises. Ils ont prévu un programme d’aide intitulé Assistance communautaire
pour la reconstruction, la démocratisation et la stabilisation (CARDS), doté de
4,65 milliards d’euros (30,5 milliards de francs) pour la période 2000-2006.
Certains
pays avancent vite (comme la Croatie). D’autres sont davantage à la traîne, telles
la Bosnie ou l’Albanie. D’ores et déjà, la plupart des sanctions touchant la Yougoslavie
ont été levées : la liste des 600 personnes interdites de visa a été revue.
Elle ne comptera bientôt plus que 20 ou 30 noms. Les différents embargos ont été
supprimés. Cependant, une impatience se manifeste dans les pays concernés par
cette aide : ils trouvent qu’elle tarde.
Tous les
chefs d’État de l’ex-Yougoslavie ainsi que l’Albanais Rexhep Mejdani devraient
venir à Zagreb, à l’exception du Slovène Milan Kucan. La Slovénie, pays déjà candidat
à l’adhésion à l’UE, affirme en effet ne pas appartenir aux Balkans. La participation
du Monténégrin Milo Djukanovic n’est pas non plus acquise. Président d’une République
qui fait toujours partie de la RFY, Milo Djukanovic souhaiterait être traité en
chef d’État à part entière, alors qu’il est invité au sein de la délégation yougoslave.
Aucun leader
du Kosovo n’a été invité. Cette province du sud de la Serbie placée sous mandat
international sera représentée par Bernard Kouchner, administrateur de l’ONU.
Cela fera grincer des dents au Kosovo, à l’affût du moindre signe permettant d’afficher
une indépendance vis-à-vis de Belgrade.
Alain Guillemoles
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