20/05/2001
ÉLECTIONS LOCALES 2001
La gauche confirme,
la droite résiste
Les
partis de la majorité de centre-gauche ont globalement remporté
les doubles élections, régionales et municipales, qui ont eu lieu
dimanche 20 mai 2001 en Croatie. L'opposition de droite, HDZ en
tête, si elle a enregistré une certaine progression, perd au moins
dix des seize régions qu'elle contrôlait jusqu'à présent. Les
sociaux-démocrates (SDP) du Premier ministre et le Parti populaire
(HNS), dont est issu le Président de la République, sortent grands
vainqueurs des urnes, tandis que la contre-performance inattendue
des sociaux-libéraux, deuxième formation de la majorité du duo
SDP-HSLS, fait figure de véritable surprise.
Quelque
3,8 millions d'électeurs croates ont été appelés aux urnes dimanche
20 mai pour deux scrutins locaux, élections régionales et municipales,
destinés d'une part à renouveler les assemblées des 20 régions
(zupanije) et de la Ville de Zagreb, et, d'autre part, à élire
les conseillers municipaux des 123 villes et des 420 communes
rurales. Selon les résultats provisoires, les six
partis rassemblés au sein de la version croate de la « gauche
plurielle » au pouvoir ont confirmé leur popularité
dans l'ensemble du pays en remportant, par-delà les coalitions
locales, la majorité des sièges dans les trois quarts des régions.
Abstention
record
Cela est particulièrement vrai pour les sociaux-démocrates (SDP)
du Premier ministre Ivica Racan et
pour le parti populaire (HNS) dont est issu le président Stjepan
Mesic, lesquels s'affichent incontestablement
comme les deux grands vainqueurs de ce scrutin. Seul bémol à ce
constat, l'abstention record qui a atteint 57 %, contre seulement
29 % en 1997, un taux jamais égalé en onze ans de pluripartisme.
Le SDP (soit seul, soit en coalition) est ainsi en tête à Zagreb,
à Split et à Rijeka, les trois principales villes croates. S'il
n'arrive pas premier dans la majorité des régions, où le HDZ est
parvenu à lui voler la vedette, il y demeure en bonne position
et se trouve en mesure d'y constituer de solides majorités au
sein des assemblées régionales. C'est le cas notamment dans les
régions de Zagreb, de Rijeka, d'Osijek, de Varazdin ou encore
de Dubrovnik.
POUR
QUOI VOTE-T-ON ? |
Tous les quatre ans, le troisième dimanche de mai, les électeurs
croates sont appelés à renouveler les mandats de leurs élus
locaux dans 20 assemblées régionales (zupanije) et de la Ville
de Zagreb, d'une part, et, d'autre part, à élire les conseillers
municipaux des 123 villes et des 420 communes rurales qui
composent l'administration territoriale du pays. Ceux-ci éliront
ensuite les représentants de l'exécutif local, à savoir les
maires et les zupans ou présidents de région. Le nombre d'élus
des assemblées municipales est compris entre 31 et 51 pour
les assemblées régionales. Il varie en fonction du nombre
d'habitants de 7 à 15 pour les communes (moins de 10 000 habitants)
et de 13 à 35 pour les villes (qui comptent en principe plus
de 10 000 habitants). Le conseil municipal de la Ville de
Zagreb compte 51 élus. Les élections se déroulent de 7 h
à 19 h au mode de scrutin de liste à la proportionnelle,
avec un seuil d'éligibilité fixé à 5 % des suffrages.
|
Pour
sa part, le HNS de Vesna Pusic affiche, avec 17,5 %, juste derrière
la coalition de droite qui remporte 19,9 % des suffrages, son meilleur
score dans la Ville de Zagreb où il s'apprête à former avec le SDP,
arrivé quant à lui en tête avec 27,1 %, une coalition majoritaire
au sein du conseil municipal. Ailleurs, mis à part quelques régions
(nord et centre) où il atteint entre 12 % et 13 %, il reste largement
sous la barre des 10 %.
Les « petits partis » de la coalition au pouvoir,
le parti libéral (LS) et la diète démocratique istrienne (IDS) ont
confirmé quant à eux leur implantation régionale dans leurs fiefs
respectifs. L'IDS obtient ainsi sans surprise 50,3 % des suffrages
en Istrie où il s'est présenté seul. Le LS enregistre pour sa part
peu ou prou 15 % à Osijek, la capitale de la Slavonie, et ce aussi
bien dans la ville même que dans la région.
Résultats en trompe-l'oeil
Ces résultats favorables à la majorité en place doivent toutefois
être nuancés dans la mesure où les partis de l'opposition de droite,
réunis autour du HDZ de Ivo Sanader au sein du Bloc croate, ont
réussi à s'unir en force non négligeable ce qui leur a permis d'afficher
également de très bons scores aux régionales (38 % en Lika, 35 %
à Zadar, 33 % à Sibenik, 29 % à Dubrovnik et à Sisak, 27 % à Vukovar,
25 % dans la région de Zagreb et 23 % dans les environs de Split).
Cela apparaît notamment si on compare ces résultats à ceux des législatives
de janvier 2000 où le HDZ avait été éconduit après dix ans de
règne sans partage. Cependant, malgré la progression enregistrée
- le HDZ arrive en effet en tête dans 14 des 20 régions -, il demeure
néanmoins isolé et donc minoritaire, sans espoir de pouvoir constituer
des coalitions majoritaires dans la plupart des régions, pas plus
que dans les principales villes - à l'exception de Split où le jeu
politicien entretien encore l'incertitude. En terme de suffrages,
cela reste malgré tout le plus mauvais résultat du HDZ enregistré,
au niveau national, depuis dix ans. De fait, le HDZ, qui contrôlait
jusqu'à présent 16 régions, risque de devoir désormais s'en contenter
de cinq.
La liste indépendante de Miroslav Tudjman (HIP), le fils de l'ancien
président, qui s'est vue créditée de quelque 7,6% des voix à Zagreb,
est venu sensiblement compliquer une scène politique déjà largement
hétérogène, en se positionnant notamment sur le terrain traditionnellement
occupé par le HDZ. Nouvellement entré en lice, le HIP est néanmoins
parvenu à passer le seuil des 5 % dans les deux tiers des régions.
Le vote de l'extrême-droite n'enregistre quant à lui pas de progression
particulière et reste cantonné dans ses limites traditionnelles,
globalement entre 4 % et 7 %, à l'exception toutefois de deux régions,
Sisak et Vukovar, spécialement dévastées par l'agression serbe en
1991, où le HSP récolte respectivement 12,1 % et 9,3 % des suffrages.
Le SDSS, parti indépendant démocratique serbe, qui s'est présenté
en Slavonie orientale engrange quelque 25 % des suffrages dans la
ville de Vukovar où la participation a
atteint 44 %. Majoritairement croate avant la destruction de la
cité par l'armée serbe, la ville, revenue dans le giron croate en
1998, a aujourd'hui retrouvé moins du tiers de sa population, constituée
à présent d'une forte majorité de Serbes, la plupart des réfugiés
croates n'étant pas encore revenus.
LES
PRINCIPAUX PARTIS POLITIQUES |
La
majorité de gauche |
|
SDP
- sociaux-démocrates |
|
HSLS
- sociaux-libéraux |
|
HSS
- parti paysan |
|
HNS
- parti populaire |
|
LS
- parti libéral |
|
IDS
- diète démocratique istrienne |
|
L'opposition
de droite |
|
HDZ
- union démocratique |
|
DC
- démocrates centristes |
|
HKDU
- chrétiens-démocrates |
|
HIP
- liste de Miroslav Tudjman |
|
HSP
- parti du droit |
|
la
coalition du Bloc national (HDZ/HKDU/HD...) |
|
|
SDSS
- parti indépendant démocratique serbe |
Polarisation politique
Les partis du centre, quant à eux, ressortent comme les grands perdants
de ces élections. Cela vaut d'ailleurs autant pour les sociaux-libéraux
de Drazen Budisa (HSLS) qui font pourtant partie de la majorité
en place, que pour les démocrates centristes dans l'opposition (DC),
parti fondé par l'ancien chef de la diplomatie croate, Mate Granic,
après sa rupture avec le HDZ, et qui culmine à peine à 7 % dans
la région de Zagreb. Les résultats particulièrement mauvais du HSLS,
le principal allié du SDP, qui pour la première fois reste même
en deçà du seuil des 5 % à Zagreb, constitue pour le moins la grande
surprise de ce scrutin. La stratégie adoptée de se présenter sous
une liste HSLS, sans faire alliance avec ses partenaires de la majorité,
n'a donc pas rencontré le succès escompté. Seule lueur au tableau,
la région du Medjimurje (nord), où il confirme sa bonne implantation
en arrivant premier, avec 20,6 % des suffrages.
Le parti paysan (HSS) du président du Parlement, Zlatko Tomcic,
a pour sa part confirmé sa bonne assise électorale (entre 15 % et
28 %), mais surtout dans les régions qui lui sont traditionnellement
favorables (région de Zagreb, Slavonie). Il subit cependant un revers
dans la Ville de Zagreb où il ne passe pas la barre des 5 %.
Gauche plurielle et union de la droite
Dix ans après la chute du communisme et l'indépendance et une décennie
marquée par la suprématie du HDZ de Franjo Tudjman, la scène politique
croate semble donc voir se profiler à l'horizon deux principaux
blocs politiques, à l'image de ce que l'on retrouve dans la plupart
des grands pays occidentaux, voire une certaine ressemblance avec
la situation politique en France. A gauche, une majorité « plurielle »
composée de six partis de tailles inégales, avec les sociaux-libéraux
(HSLS), plutôt positionnés au centre et à présent très affaiblis,
et surtout les sociaux-démocrates (SDP) du Premier ministre Ivica
Racan, ainsi que quatre partis d'importance moindre : le parti paysan
(HSS), le Parti populaire (HNS), le LS et l'IDS, dont les deux premiers
semblent avoir désormais comblé l'écart qui les séparait jusqu'ici
du HSLS.
A droite, le « Bloc national » s'est constitué
autour du HDZ, rassemblant, au gré des accords locaux, diverses
petites formations de droite, comme les chrétiens-démocrates du
HKDU, ou encore le HIP de Miroslav Tudjman, voire, çà et là, l'extrême-droite
(HSP).
Entre ces deux blocs, on trouve deux partis. D'une part le DC de
Mate Granic d'orientation centre-droite qui tente de s'y positionner
à la gauche du HDZ. D'autre part le HSLS qui, tout en faisant partie
de la majorité de gauche, n'a pas renoncé à préserver son identité
centriste. Aux deux extrémités enfin, l'extrême droite (HSP, HCSP)
et l'extrême-gauche (ASH/HSU) restent, l'une comme l'autre, globalement
marginales aux alentours de 5-6 %.
Il semblerait donc, que la Constitution croate, très largement inspirée
de celle de la Ve République, contribue en quelque sorte à renforcer
les similitudes que l'on peut relever avec le paysage politique
français. Ainsi, comme en France, le Président de la République
et le Premier ministre ne sont pas en Croatie issus de la même formation
politique. Le premier est issu d'un parti relativement modeste (HNS)
alors que le second bénéficie d'une solide majorité au parlement
(SDP-HSLS). On assiste donc en Croatie, à l'instar de ce que connaît
la France, à une certaine forme de cohabitation, plus exactement
de « petite cohabitation » : en effet, malgré
des différences de sensibilité qui sont manifestes, le président
comme le chef du gouvernement font partie de la même coalition,
celle qui a remporté les législatives de janvier 2000, sur la base
d'un programme commun : démocratisation, stabilité régionale, relance
de l'économie et intégration européenne.
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