Places of performances of Dialogos Ensemble, Paris, directed by Katarina Livljaniæ: New York City (Feb. 18th), Wellesley College (Feb. 20th), Vancouver (Feb. 22nd), Kansas City (Feb. 24th). Tondal's vision is an Irish legend from 12th century, which in the 15th century became a part of the Croatian Glagolitic literature (The Petris Miscellany, 1468). |
Photos from www.ensemble-dialogos.org
In 1999 a CD Terra Adriatica was issued, under the title Chants sacrés des terres croates et italiennes au Moyen-Age, Dialogos Ensemble/Katarina Livljanic, Paris, ED 13107. The ensemble has won prestigious awards of French critiques like Diapason d'or and Monde de la Musique.
Example: Puce moj [mp3], that is, Popule meus, from Poljica.
Katarina Livljanich is lecturing Middle Age music at Sorbonne in Paris. In 1998 she founded a department for interpretation of Gregorian coral at the University of Limerick, Ireland, which is one of very rare in the world. Since 2002 she is artistic adviser of the Festival of Early Music in Utrecht, the Netherlands.
The story of Tondal, where an unconscious man has a journey where his soul leaves the body, was written in the 12th century by the Irish monk Marcus. It spread across the face of Europe, including a late Medieval version dedicated to Benedictine nuns on the Dalmatian coast. This performance uses Gregorian, Beneventan, and Glagolithic chant known in Medieval Dalmatia. Glagolitic liturgy is in the vernacular Croatian-Slavonic, but follows the Roman Catholic rite of mass.
These performances from the Holland Festival of Early Music at Utrecht 2002 are by the Ensemble Dialogos directed by Katarina Livljanic. They are supported in part by Radio Nederland and the Royal Netherlands Embassy in Washington, D.C.
VISION OF TONDAL
Dialogos Ensemble vocal féminin:
Siri Johansen, Christine Laveder, Lucia Nigohossian, Cornelia Schmid, Sandrah Silvio, Aurore Tillac, Katarina Livljanic (direction)
La Vision de Tondale.
Après Terra adriatica, l'ensemble féminin de la Compagnie Dialogos propose une nouvelle étape de sa recherche sur des répertoires médiévaux très peu connus. Concentré cette fois uniquement sur la côte croate, le pays qui reçut au XIe siècle la marque du grand couteau de schisme entre Rome et Byzance, ce programme essaie d'explorer les couches plus profondes de ce qu'on appelle le chant glagolitique, comme un des visages de la musique croate au Moyen Age.
Ce répertoire liturgique du rite romain, chanté cependant en langue vernaculaire locale au cours du Moyen Age, fut conservé, souvent sans notation musicale, dans les livres en alphabet glagolitique, propre à la Croatie médiévale. Les manuscrits musicaux médiévaux qui transmettent les mélodies de la liturgie glagolitique sont rares. En revanche, nous possédons des textes liturgiques en alphabet glagolitique, et quelques notations musicales qui témoignent de l'existence de ce chant dans la région au moyen age.
Le fait les plus fascinant est l'existence même des livres liturgiques entièrement écrits en langue vernaculaire (slavon de rédaction croate) dans le monde de la liturgie latine occidentale. Or, la particularité du répertoire glagolitique est sa vie dans la transmission orale qui nous la fait parvenir, jusqu'à aujourd'hui, dans de nombreuses localités sur la côte croate, sur les îles, en Istrie. Ce travail est donc un travail de reconstruction musicale : les connaissances sur le chant grégorien et bénéventain en Dalmatie médiévale, les manuscrits qui transmettent ces répertoires, les manuscrits glagolitiques et la survivance de ces répertoires dans la tradition orale ont guidé les recherches sur la sonorité de ce programme.
Photo from www.ensemble-dialogos.org
Example: Puce moj [mp3] (Popule meus, from Poljica)
Mais, remontons le temps pour comprendre ce curieux phénomène musical et liturgique : La ville de Zadar reçut en 1177 une visite papale un peu inattendue. Pour échapper d'un orage sur la mer, Alexandre III arriva à Zadar, accueilli par le peuple chantant "in eorum sclavica lingua", comme le témoigne son chancelier, le cardinal Boson. Un peu plus tard, en 1248, le pape Innocent IV accepte, prié par l'évêque de Senj Filip (Philippe), l'usage des livres en écriture glagolitique et de la langue croate dans la liturgie, dans les régions oû ils étaient déjà accoutumés. Dans sa demande Filip mentionne que cet alphabet est un héritage qui remonte à saint Jérôme et qu'il est utilisé dans la liturgie. Il s'agit bien-sûr d'une légende - l'écriture glagolitza date du 9e s. et est liée à saint Cyrille et Méthode qui l'aurait composée avant le voyage d'évangélisation parmi les slaves de Moravie. Comme les rapports avec l'autre côte de la mer Adriatique furent très forts et la Croatie appartenait au rite romain, la présence du chant grégorien dans la liturgie locale fut aussi très importante, surtout dans les villes.
Dès les Xe et XIe siècles, les livres liturgiques latins avec notation neumatique sont écrits dans les scriptoria de la côte dalmate, par les mêmes mains des scribes qui copiaient les livres glagolitiques. C'est justement cette ligne de frontière entre les influences latines et les racines traditionnelles qui nous intéresse dans ce programme.
La côte croate est très longue. Bordée de nombreuses îles, ces petits mondes isolés sur lesquels les gens parlent parfois des dialectes différents malgré la distance qui leur permet de crier d'une rive à l'autre et de s'entendre, elle cache des mondes musicaux très différents. Nous confrontons ainsi les mélodies d'Istrie (la messe traditionnelle du village Mune), rudes dans leur polyphonie primitive, les lectures très proches des tons grégoriens (la lecture de l'Apocalypse de Poljica) avec des polyphonies plus "suaves" du sud croate.
Les pages choisies du répertoire glagolitique de quelques localités différentes sont mises dans ce programme dans le contexte des répertoires grégoriens et polyphoniques parents. Il m'a semblé très précieux de souligner ces deux facteurs de la vie liturgique en Dalmatie et Istrie au Moyen Age. Ainsi, le langage musical de ces polyphonies est souvent primitif, émanant presque des pratiques musicales traditionnelles et nous reconnaîtrons certaines sonorités très proches entre les pièces glagolitiques et celles-ci.
Et tout au long de ce parcours musical nous reconstruisons une histoire, telle quelle aurait pu être contée aux hommes médiévaux dans des églises dalmates, au travers d'un texte conservé dans le recueil croate Vartal du XVIe siècle. Il s'agit de la Vision de Tondale, récit de l'homme qui visite l'enfer guidé par un ange, qui se perd sur les chemins inconnus, qui traverse les ponts dans l'obscurité, et qui crie sans cesse "pourquoi sommes-nous venus ici ?" Mais l'idée de ce programme nest pas de faire entendre le chant glagolitique tel qu'il résonne encore aujourd'hui parmi les chantres traditionnels. Si lon avait ce but, il aurait été beaucoup plus naturel d'enregistrer tout simplement les chantres des îles dalmates. La vision de Tondale est un voyage vers le chant glagolitique d'autrefois, dans les périodes oû les chantres luttaient pour leur langage et musique, quand les mêmes églises possédaient les manuscrits latins et glagolitiques.
Photo from www.ensemble-dialogos.org
Nous n'essayons pas d'imiter les chantres d'aujourd'hui, nous essayons de réveiller les chantres médiévaux, ces hommes doués d'un curieux bilinguisme musical. Cependant, posséder un manuscrit médiéval de chant glagolitique, ou l'édition de cette musique, est comme de retrouver le manuel de quelqu'un qui parlait, il y a des siècles, une langue qui nous est étrangère - nous aurions le livre, mais nous aurons perdu le propriétaire du livre, et nous ne connaîtrons jamais la mélodie de cette langue dans son état originel.
Katarina Livljanic
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Le chant glagolitique est comme une "musique ancienne" qui na jamais eu le temps de devenir ancienne car elle résonne toujours dans les ruelles et les églises dalmates durant des siècles, sans être jamais obligée de se taire. Le répertoire que nous chantons fait penser aux moments qu'on passe à regarder les corps célestes, éloignés de nous plusieurs centaines d'années de lumière. Nous voyons en fait une image "historique" des étoiles à cause de la distance et du voyage que leur lumirèe doit faire pour arriver à nos yeux. L'Existence du chant glagolitique sur la côte dalmate est peut être un phénomène semblable. La sonorité que nous entendons est à la fois présente et éloignée, comme une vieille photographie des ancêtres qui ont survécu à travers les siècles sans nous l'avoir jamais avoué.
Katarina Livljanic